Archives

Ton absence n’est que ténèbres de Jón Kalman Stefánsson

Jón Kalman Stefánsson est un romancier, poète et traducteur islandais (Reykjavik 1963); il est aujourd’hui un auteur avec une oeuvre importante ayant récolté de nombreuses distinctions de par le monde.

Ton absence n’est que ténèbres (2020) est son 13è roman, couronné par le Prix Jean Manuel Monnet et le Prix au Meilleur Livre Étranger en 2022. La traduction de ce roman est remarquable, un travail de choix par Éric Boury (qui a reçu un prix déjà pour la traduction d’un autre livre de cet auteur islandais).

Ce livre m’a été chaudement recommandé par quelqu’un qui lit beaucoup, en me disant que c’était le meilleur livre lu au cours de la dernière année. Je l’ai acheté.

Je ne sors pas enchantée de cette lecture. Voulant rester positive, je vais commencer par les points qui m’ont plu : 1) découvrir un peu l’Islande avec son territoire et ses gens entre 1900 et 2020 (terra incognita pour moi), 2) la façon franche d’aborder le sujet de la mort par l’écrivain, une mort omniprésente dans le récit, sans pathos ni hystérie ni faux-fuyants, souvent associés; 3) les envolées poétiques, belles et inspirées, venant d’un vrai poète; 4) l’ambiance métaphysique du roman qui vous amène à réfléchir sur soi et sur les autres, à se questionner sur les aléas de la vie; et 5) c’est un livre d’une rare intensité qui arrive à émouvoir parce qu’il sonne vrai.

Là où la pierre a franchement achoppé c’est 1) avec le style, décousu, brouillon, avec des sauts temporels; j’ai été plusieurs fois désorientée vu la quantité de personnages qui déferlent dans le roman ; 2) les intertitres m’ont agacé, non-nécessaires et parfois ne trouvant pas de rapport direct avec le texte; et 3) j’ai trouvé cette lecture un peu lourde, quoique riche. J’ai tenu jusqu’au bout pour me permettre une opinion, mais cela n’a pas été sans peine.

Ce roman fleuve de 600 pages narre une saga familiale sur 120 années et quelques générations, comportant quelques destinées tragiques. L’action se déroule en Islande, terre de paysages surnaturels au climat rude, avec une nature belle et sauvage pouvant influencer des personnages ayant des sentiments portés au paroxysme, des êtres humains souvent confrontés à des situations difficiles, en présence d’une forte spiritualité.

Le livre est traversé par des playlists de musique essentiellement nord-américaine du siècle dernier (jazz, pop, rock). On conçoit l’importance de la musique dans des contrées qui doivent subir un total isolement pendant de longs mois d’hiver. Cela doit faire partie de leur cadre de vie.

Quid de l’histoire ? : En 2020 le tourisme revient après la pandémie de la Covid et un homme, islandais, débarque amnésique dans un fjord de l’Ouest du pays; les gens le reconnaissent mais lui ne se rappelle de rien et jamais fera l’effort de demander aux gens qu’il croise, de le situer par rapport au récit. Le personnage écrira des pages et des pages sur ce que les gens lui racontent, sur la saga supposée de ses ancêtres. L’homme voudrait autant les sortir de l’oubli que de se refaire, au passage, une mémoire.(Cette affaire ne sera pas du tout élucidée dans le roman; peut-être que cet homme n’a servi que d’axe narratif…).

Dans le récit apparaissent des morts et des vivants, la limite entre les uns et les autres est floue. La filiation entre les uns et les autres est complexe, il y a pas mal de secrets de famille (ceci est universel). J’ai été surprise par des histoires d’amour assez violentes et « dès le premier regard », intenses, désespérées comme si ce pays du grand froid rendait les sentiments plus vifs, voire incontrôlables.

TON ABSENCE…, FolioN° 7169, 2023 (JKS 2020), ISBN 978-2-07-299197-4

La forastera de Olga Merino

Olga Merino es una periodista, articulista y novelista española (Barcelona 1965).

La forastera (2020) va por la 19è edición y ha ganado el Premio a la Mejor Creación Literaria concedido por la RAE; premio que fue propuesto por Mario Vargas Llosa, José María Merino y Carme Riera.

La novela me ha impactado por varias razones : la calidad de la escritura, desplegando un rico vocabulario y la fuerza telúrica de la protagonista. La novela habla muy bien de la España vacía, esos pueblos abandonados a los ancianos que sobreviven a duras penas y que se mantienen, entre otras cosas, con la maledicencia hacia toda persona forastera.

Angie a los 53 años y después de una juventud azarosa vuelve al pueblo de sus padres, una localidad de Cataluña en los montes, nunca nombrada. La vida es dura, difícil, la gente no se entre ayuda de buenas a primeras, hay que ganarse la confianza. Angie tomará posesión de la casa casi en ruinas que fue de sus padres, antes de verse obligados a emigrar a Barcelona, en busca de mejor vida.

Angie fue impregnada por su madre con ciertas liturgias de la aldea, ella no ha olvidado nada del ritmo cíclico del campo, la cadencia de las estaciones, que es malo quemar leña de higuera, que los ajos no deben plantarse con luna menguante, que la encina es el árbol que más atrae la descarga del rayo, que la aceituna del cerro produce más y mucho más fino aceite que la del valle, que el cambio del tiempo viene cuando el gallo canta a deshoras, que las nubes aborregadas presagian granizo…

La vida de Angie no es fácil, pero a ella le conviene y se cree feliz, con su huerto, sus subidas al monte, sus perros y sus idas al bar de Tomás para encontrarse siempre con los mismos parroquianos. Rápidamente la van a tildar de loca porque no sigue los cánones impuestos. A ella le importa un rábano porque se cree feliz hasta que se le empieza a complicar el panorama con el suicidio de un vecino.

En esas latitudes las familias tienen fuertes lazos de consanguinidad, por razones de lejanía o de demasiada cercanía a la hora de escoger pareja. En todo caso el suicidio del vecino le traerá verdaderas dificultades y conocerá secretos de familia bien guardados.

Será el final de una vida idílica para Angie y para hacerse respetar, no tendrá más remedio que de recurrir a la violencia.

Hay una tal fuerza en el relato, una fuerza inherente al sitio montañoso y aislado, a la naturaleza omnipresente y respetada, a la proximidad de los animales y a los intercambios con los lugareños, que el lector no puede dejar el libro y quiere adentrarse más y más en los problemas y los sentimientos que mueven a Angie.

Unos de los mejores libros leídos últimamente. El tema y la fuerza narrativa me hacen recordar las novelas rurales fuertes del francés Franck Bouysse.

LA FORASTERA, Alfaguara 2020, ISBN 978-84-204-3845-0

Cupidité de Deon Meyer

Afrikaneer pure souche, Deon Meyer est né à Paarl, Afrique du Sud en 1958, c’est un  auteur à succès de romans policiers qui a ses adeptes inconditionnels. Il est Chevalier des Arts et des Lettres (France) depuis 2021.

Il est vrai que ses livres vont au delà d’une intrigue policière et nous livrent des renseignements sur cette société sud africaine si particulière, qui se cherche encore, société où règne une violence urbaine inouïe et aussi beaucoup de corruption à tous les niveaux.

Avant ce blog, j’ai lu à D. Meyer : 13 heures (2008) un bon polar sur cette nouvelle société sud africaine, mais avec un trop plein de personnages qui m’ont quelque peu perdu.

Cupidité (2021) est le 8ème tome de la série avec le policier Benny Griessel, un tome nominé pour le Prix Barry 2023. C’est un bon polar, voire un page turner qui m’a maintenu en haleine le long de presque 600 pages, avec un debut sur les chapeaux de roue et un final énigmatique et effrayant.

Le binôme de la série policière est toujours formé par Benny Griessel et Vaughn Cupido, deux policiers aguerris et non corrompus qui sont dans une mauvaise passe : dégradés par la hiérarchie (corrompue en partie), mis à l’écart, touchant un salaire réduit et menacés si…! Un comble. Les deux hommes se connaissent bien et ont des préoccupations bien humaines qui nous les rendent sympathiques : Benny avec l’alcool et Candido avec son poids, tous les deux projettant un mariage.

Il y a deux thèmes parallèles dans ce roman : la recherche d’un étudiant en Informatique, hacker reconnu, et l’histoire d’une belle agente immobilière acculée par les dettes. Le moteur dans cette palpitante histoire est la cupidité, présente à tous les échelons, sans frein ni éthique ni moral.

La paire Benny-Candido vont atterrir dans une banlieue chic du Cap et assez vite ils seront sommés de retrouver l’étudiant en informatique, disparu mystérieusement du campus universitaire . Très vite cette tâche se verra compliquée par l’assassinat d’un policier du secteur.

Puis nous ferons connaissance avec l’agente immobilière qui va se retrouver dans un enfer en spirale, tellement plausible, atroce. Et c’est bien son histoire à elle qui apporte le plus d’émotion dans le récit.

Le livre est divisé en petits chapitres qui souvent nous incitent à ne pas lâcher la lecture, surtout vers la fin. Cela fait quelque temps que je ne lisais pas un récit aussi addictif. Une lecture toute rêvée pour les loisirs.

Autres livres commentés : Jusqu’au dernier . L’âme du chasseur . Le pic du diable .

CUPIDITÉ, Série Noire Gallimard 2022 (DM 2020), ISBN 978-2-07-297340-6

El héroe de las mansardas de Mansard de Álvaro Pombo

Álvaro Pombo es un poeta, escritor y hombre político español (Santander 1939). Es miembro de la RAE desde 2004 en el sillón J. Ha recibido numerosos premios literarios.

Tengo de él, lecturas antiguas que no figuran en el blog : Donde las mujeres (1996) Premio Nacional de Narrativa, un libro muy bien escrito aunque denso, con escaso diálogo y mucho descriptivo de un mundo interiorizado de mujeres, es una novela muy fuerte. La cuadratura del círculo (1999) Premio Fastenrath de la RAE, un libro que me pareció novedoso al principio y luego fastidioso. Me interesó por tratarse de un relato acaecido en 1120 con esa manera cruda y truculenta del  parlar del medioevo, pero fuera de algún vocabulario selecto, la trama se puso lancinante y poco interesante. El cielo raso (2001) Premio Fundación José Manuel Lara : me resultó ilegible, sin estilo, aunque con buen vocabulario y con meta-literatura y nociones filosóficas. La fortuna de Matilda Turpin (2006) Premio Planeta : mucha verborrea, poca acción y poca descripción psicológica de Matilda Turpin, un dramón.

El héroe de las mansardas de Mansard (1983) le valió el primer Premio Herralde, del mismo año, es la segunda novela de Pombo. Ha sido una lectura insólita que no se parece a nada de lo leído. Para un lector francés, el título clarifica inmediatamente de qué se trata porque las mansardas en una casa burguesa son moneda corriente y todos las conocen, en España, no lo sé.

Al principio de la lectura estaba un poco perdida : qué quiere contar este señor ? No encontraba el hilo conductor. Poco a poco me fui adentrando en el estilo, muy peculiar, bien escrito en un modo flujo de consciencia, con dos niveles de sintaxis : uno fino y conspicuo y el otro crudo y sorprendente. Y lo más original : unos vuelcos tan cómicos, que no queda otra cosa que soltar la risotada.

Tenemos un relato después de la guerra civil, en el norte de España que podría ser el Santander natal del autor. El protagonista es Nicolás, llamado Kus-Kús (?), un chico pre adolescente que dicen bobo, pero que no tiene nada de bobo, es el más inteligente de todos los personajes y bastante depravado desde ya, aunque se está recién formando para entrar en el mundo de los adultos.

Este chico vive en una casona con una institutriz inglesa, Miss Hart; los padres brillan por su ausencia, se encuentran siempre de viaje. En las mansardas, bajo el techo, habita la tía Eugenia, cerca de la cual Kus-Kús se forma (o se deforma, según).

Nicolás vive rodeado de personajes estrafalarios comenzando por esta tía Eugenia, bastante loca y erotómana, la servidumbre, el criado Julián que tiene un « pasado », la abuela Mercedes (mi personaje preferido) con su amiga María del Carmen Villacantero (con ellas son los momentos más divertidos), Manolo el gigoló de la tía Eugenia, etc. Por momentos esta galería de personajes se vuelve esperpéntica, irreal, con un relato tirado por los pelos, pero muy original.

A veces el estilo me traía reminiscencias del estilo de Eduardo Mendoza…

En la novela se tratan temas diversos como el descubrimiento de la sexualidad, el robo, el chantaje, la vida social en ese medio y en esa época, la traición, la posguerra, los terrores del final de la infancia, etc.

Otro libro comentado : El temblor del héroe .

EL HÉROE DE…, Compacts Anagrama 1991 (AP 1983), ISBN 84-339-2027-8

Les Revenants de Laura Kasischke

Laura Kasischke est une romancière américaine originaire du Midwest (Michigan 1961), elle est avant tout une poétesse plusieurs fois primée ainsi qu’une enseignante (l’art du roman) à l’Université de Michigan.

Dix ans ont passé depuis que j’ai lu mon dernier (et quatrième) Kasischke ! C’est une romancière qui m’intrigue et me surprend à chaque fois et jusqu’à maintenant, elle ne m’a jamais déçu.

Tous les romans de Laura Kasischke se passent dans le Midwest, sa région d’origine , une région pauvre, riche en « péquenauds » hauts en couleur qu’elle dépeint par le menu avec des touches de clairvoyance, voire de méchanceté et beaucoup d’allusions à la nature, ce qui est naturel puisque le Michigan est une région rurale.

Cette écrivaine excelle pour nous installer dans un malaise diffus, assez difficile à cerner et qui prend petit à petit. Dans Le monde des livres on lisait que l’univers de LK est un mélange de surréalisme et de thriller, de drame psychologique et de surnaturel domestique, de gothique voire du gore. C’est très juste.

Les revenants (The Raising 2011) s’est avéré pour moi un vrai page turner, surtout une fois le roman bien lancé et les banalités bien posées dans un cadre en apparence banal, ici un campus universitaire reputé du Midwest. C’est à ce moment que Madame Kasischke déplie tout son savoir faire, c’est à dire, une sensation d’angoisse qui va progresser jusqu’à la fin du livre. Je me dois de dire que après tant de stress, la fin m’a paru quelque peu bâclée, pas nette, je me suis posée pas mal de questions.

L’affaire en gros décrit la vie dans un campus universitaire américain avec des élèves choisis par dossier ou par filiation, des élèves venant de l’État, mais aussi d’ailleurs. Ils sont logés et mènent une vie en circuit fermé pendant quelques années. Dans ce roman on dirait que ces jeunes passent leur temps à se doper, à boire de l’alcool et à penser au sexe.

C’est incroyable quand on pense la fortune que doivent payer les parents pour cette éducation, et les rares boursiers se retrouvent endettés plus ou moins à vie. Dans une université américaine prestigieuse, on ne les considère pas comme des élèves, mais comme des clients. Et comme vous savez, le client est roi. D’où que les vilenies qui se passent au campus, on doit les camoufler coûte que coûte.

Dans Les Revenants, il se passe des choses pas correctes du tout, avec des implications qui vont loin, alors on camoufle le tout, on ne fait pas de vagues et vogue le navire…

Il existe des fraternités et des sororités au sein de chaque campus. Cela constitue un honneur d’en faire partie, mais il faut accepter de participer au folklore, notamment aux bizutages, pas toujours du meilleur goût. Comme l’admission dans ces universités se fait beaucoup par filiation, les parents connaissent bien les us et coutumes et peuvent même participer aux cérémonies…

Dans le livre tous les protagonistes sont laissés à eux mêmes comme si c’était un grand soulagement pour les parents de se défaire de la marmaille. Et pire, en sachant ce qui se passe pour certains. Certains personnages sont carrément malfaisants, par moments c’est malsain.

Justement dans ce roman, il se passe des choses gênantes entre les étudiants, ou dans l’interphase élève/professeur, ou dans le cadre académique. Madame Kasischke qui enseigne dans une université est bien placée pour en parler, je pense.

Le roman est très prenant, bien construit, provoquant chez le lecteur une véritable addiction pour élucider toute cette affaire compliquée et malsaine.

Autres romans commentés : À moi pour toujours . En un monde parfait . Esprit d’hiver . A suspicions river .

LES REVENANTS, Livre de Poche 2012 (LK 2011), ISBN 978-2-253-16452-4

Aves de paso de J.M. Riera de Leyva

José María Riera de Leyva es un escritor español (Almería 1934) con estudios de Arquitectura y de Periodismo.

Aves de Paso (1993) obtuvo el Premio Herralde de Novela del mismo año. Es una novela más bien corta, un road book, que se lee bien porque está bien escrito y narra la historia de un pedazo de vida que se hace viajando en un combi, trayecto impuesto por circunstancias particulares, aparentemente, un problema serio de salud.

El libro parte con un hombre hospitalizado que decide partir sin rumbo y viajar. Para eso acondiciona un combi Volkswagen y se lanza por los caminos de España, sin preparación particular y siguiendo un instinto personal. Por los caminos y derroteros tendrá un sinnúmero de aventuras, no siempre agradables, pero conocerá gente porque está abierto al diálogo, especialmente con los camareros, que son verdaderas fuentes de información para el viajero.

En una de sus « escalas » conocerá a una madre que busca con desesperación a su hija de 16 años que se ha fugado de casa. La madre le da una foto de la chica y anota detrás su número de teléfono. Pasa el tiempo y el protagonista acumula los Km, no se olvida de la búsqueda, hasta que un día la cruza en su camino. No podrá acercarse porque la chica ya ha partido, con rumbo desconocido.

Curiosamente esta chica rubia se parece a su ex mujer, hoy en día nuevamente casada.

Nunca son nombrados los lugares, solo se vislumbra que este personaje errante privilegia la costa y se detiene dónde encuentra lugares más bien apacibles. Su ruta no está sin peligros físicos ni situaciones delicadas.

Al final del libro el hombre llama al médico que lo dio de alta al principio de la narración por lo que el lector vislumbra la posibilidad de que el viajero sea una persona condenada por enfermedad que ha decidido viajar para cumplir un sueño. Esa fue la idea que me trajo el relato.

Encontré también que el personaje no era muy cauteloso y que buscaba las situaciones complicadas.

El título Las aves de paso está bien escogido porque el libro es pura transhumancia y muchos personajes son móviles como él : son aves de paso.

AVES DE PASO, Anagrama 1993, ISBN 84-339-0960-6

Nos espérances d’Anna Hope

Anna Hope est une écrivaine et ancienne actrice britannique (Manchester 1974); elle possède une maitrise en création littéraire.

Nos espérances (2019) est le quatrième livre que je lis à cette romancière et je crois que ce sera mon préféré pour le moment; les autres étant très bons aussi, mais celui-ci m’a captivé par l’acuité psychologique dans la description des personnages, mais aussi dans les situations dans lesquelles elle les place.

C’est un roman choral à trois voix, intimiste, doux-amer et générationnel, on peut dire aussi un roman de formation puisque nous suivrons de près les trois amies sur une longue période. Pour ceci, la romancière se sert de constants flash backs entre 1987 et 2008, ce qui comprend le debut de leur amitié et le milieu de la quarantaine, ce qui leur permet de faire le bilan de leurs espérances…

C’est l’histoire de l’amitié sur une vingtaine d’années de trois filles, trois filles assez différentes qui vont suivre aussi des chemins différents et vivront, forcément, des choses différentes tout en gardant et cultivant un attachement et une amitié suivie. C’est une amitié normale, c’est à dire avec ses hauts et ses bas, mais aussi avec ses vilenies.

Mais la vie reserve beaucoup de surprises, bonnes et moins bonnes, et les gens changent en conséquence. Alors, ces trois amies qui sont Hanna, Lissa et Cate auront un parcours semé d’ornières qu’elles essaieront de contourner. Les sentiments éprouvés sont variés : amour, désamour, rivalités, trahisons, position devant la maternité, le travail, le mariage, les relations avec les parents, la mort.

Hanna est mariée avec Nathan depuis des années. Le couple n’arrive pas à avoir un enfant, malgré les efforts désespérés de Hanna, qui pousse l’essai au détriment de son couple.

Lissa est une belle femme qui fait du théâtre et tire le diable par la queue, l’obligeant à faire des jobs éreintants et mal payés. Sur le plan sentimental, elle n’a jamais eu de compagnon durable ni valable.

Cate est aussi mariée et mère de famille, mais elle ne se sent pas heureuse, se remémorant ses amours saphiques de façon plutôt idéalisée, elle croit ne pas aimer son mari alors qu’il la couvre d’attentions et la protège.

Après la trentaine, l’insatisfaction de chacune est manifeste. Et l’incident arrive. C’était prédictible.

L’amitié des trois filles sera ébranlée. La trahison sera mise en évidence. Les culpabilités assumées et le pardon difficilement accordé.

Trois tranches de vie contemporaines, dans un récit vibrant de réalisme, avec ses moments de désespoir, et aussi ses moments de joie toujours passagère, sur fond d’amitié féminine où prédomine la communication, les échanges fréquents des expériences vécues.

Un roman qui m’a captivé par moments et où le drame de chacune m’a percé le coeur car la profondeur que Anna Hope a su insuffler à Hanna, Cate et Lissa est très réussie. Comment ne pas évoquer une part forte de autobiographie dans ce roman, puisque Anna Hope a mené un parcours d’actrice à Londres, métier qu’elle a abandonné pour se dédier à l’écriture après avoir suivi une formation ad hoc. Bien lui en prit, car elle est vraiment talentueuse, elle sait raconter une histoire.

Autrice à suivre.

Autres livres commentés : Le chagrin des vivants . La salle de bal . Le Rocher Blanc .

NOS ESPÉRANCES, Gallimard 2020 (AH 2019), ISBN 978-2-07-285139-1

Eaux Profondes de Patricia Highsmith

Patricia Highsmith est le nom de plume de la romancière américaine Mary Patricia Plangman (Texas 1921-Suisse 1995) très connue pour ses thrillers psychologiques et ses adaptations pour le cinéma. Elle a publié aussi sous le pseudonyme de Claire Morgan.

Eaux Profondes (Deep Water, 1957) est considéré comme un des meilleurs polars publiés au siècle dernier et a été porté deux fois au cinéma : en 1981 par Michel Deville avec Jean Louis Trintignant et Isabelle Huppert dans les rôles principaux, puis en 2022 par le cinéaste américain Adrian Lyne avec Ben Affleck et Ana de Armas dans les rôles.

Eaux Profondes est un summum de thriller psychologique dont l’action se passe dans une bourgade fictive, Little Wesley, dans le Massachusetts. Victor (Vic) est marié avec Melinda et ils ont une fillette de 6 ans, Beatrice ou Trixie. Ils vivent bien car Vic est riche par héritage et n’a pas vraiment besoin de travailler; néanmoins il pratique avec bonheur l’édition de luxe, plus comme passe-temps que comme gagne pain. C’est un homme au physique sans particularité ni anomalie, extrêmement cultivé, courtois, agréable à fréquenter par ses pairs. Il est marié à Melinda, femme au foyer, attrayante, mais passant son temps à fumer, boire de l’alcool et se trouver des amants en cascade. Le couple ne fonctionne plus depuis un moment et font chambre à part; c’est Vic qui s’occupe de Trixie, de la maison et de la cuisine. Leur belle maison est quelque peu délaissée car Melinda ne fait rien de façon assidue.

Vic est au courant des incartades de Melinda qui ne se cache pas, mais emmène ses amants chez elle au nez de son mari. Vic ne dit rien et se montre plutôt aimable avec les amants de sa femme. Tout le monde est au courant à Little Wesley, tout le monde en parle et compatit avec Vic. Le sans gêne de Melinda, même vis-à-vis de Trixie, a provoqué le rejet de tous et ils ne comprennent pas le manque de réaction de Vic.

Le lecteur commence à devenir très nerveux et craintif devant tant de fausse mansuétude de la part de Vic, car le lecteur sait ce que Vic n’exprime pas par la parole, mais par la pensée. Et ce n’est pas du tout rassurant. C’est évident que ceci va mal terminer, il n’est pas possible autrement; la pression monte avec le temps et le lecteur fait le dos rond déjà, anticipant un dénouement terrible.

La montée de tension calculée par Patricia Highsmith est plus que réussie, je dirais magistrale.

Après des pages et des pages d’excellentes analyses psychologiques, fouillées au scalpel, la fin m’a paru quelque peu bâclée, mais bienvenue parce que je n’en pouvais plus d’attendre l’éclat.

Ce livre a peu d’un polar classique, la police brille par son absence et ce sont les personnages qui font l’enquête; quel cocktail de situations : un mariage toxique, un jeu malsain, des tonnes de non-dits, un mari pervers, une femme idem (mais pas sur la même longueur d’onde), du désir de vengeance omniprésent. Aucun des personnages de ce livre est sympathique, y compris la gamine Traxie, un peu trop délurée, délaissée, insolente.

Par moments ce livre m’a rappelé Mr Ripley de la même auteure, livre antérieur de deux ans à celui-ci (1955), et le premier des 5 romans que Highsmith a consacré à Tom Ripley.

Un summum du thriller psychologique.

L’affiche du film d’Adrian Lyne

EAUX PROFONDES, Le Livre de Poche N°4421, 2017 (PH 1958), ISBN 978-2-253-05668-3

Niré d’Aki Shimazaki

Aki Shimazaki est une écrivaine québécoise d’origine japonaise (Gifu 1954), immigrée au Canada depuis 1991 et qui écrit ses livres directement en français. Tous ses livres portent un nom en japonais et son écriture est très sobre, dépourvue de toute surcharge, d’une grande délicatesse.

Elle écrit des cycles romanesques, des pentalogies comportant 5 livres d’environ 150 pages où les histoires s’entrecroisent. 

Elle a entamé une quatrième pentalogie avec Une clochette sans battant: après Suzuran (2019), Sémi (2021) et No-no-yuri (2022) et à la suite, Niré.

Niré (2023) tourne toujours autour de la famille Niré : les parents Tetsuo et Fujiko sont en maison de retraite médicalisée, toujours très heureux et recevant souvent la visite des enfants : Anzu avec son fils et la fille de sa soeur décédée qu’elle a adopté et Nobuki, marié avec Ayako enceinte d’un troisième enfant, pianiste et leurs filles Miyoko et Namiko. Fujiko Niré se dégrade lentement, elle ne marche plus ni reconnait sa famille.

Lorsque Fujiko apprit qu’elle était atteinte d’Alzheimer, elle a voulu écrire un journal de vie où elle notait sa vie au jour le jour et sa perte progressive de la mémoire. Elle avait caché son journal dans un petit bureau qui avait appartenu à son fils Nobuki et quand celui-ci, tout à fait par hasard, découvrira ce journal qui recèle un grand secret de famille capable de l’ébranler terriblement. Mais dans cette famille règne une affection si forte des uns envers les autres que le secret de Fujiko va les souder encore davantage.

Encore un récit fort tout en délicatesse autour de cette famille Niré; il ne nous reste qu’un dernier volume à lire. Quelles surprises nous réserve Aki Shimazaki ?

Autres livres commentés : Pentalogie 1 (Le poids des secrets) . Pentalogie 2 (Au coeur du Yamato) . Pentalogie 3 (L’ombre du chardon) . Suzuran . Sémi . No-no-yuri .

NIRÉ, Actes Sud 2023 (Pentalogie 4 Une Clochette sans battant), ISBN 978-2-330-17967-0

Rosalía de Luisa Carnés

Luisa Carnés fue una escritora (cuentos y novelas) y periodista española (Madrid 1905-Ciudad de Mexico 1964); militante comunista, se exilió en Mexico al final de la Guerra Civil tomando la nacionalidad mexicana en 1941. La autora permaneció inédita en España por más de 45 años.

La escritora hace parte de la generación del nuevo romanticismo, considerada también como la narradora más importante del grupo del 27, formando parte de autores que se estudia bajo la denominación « narrativa social de preguerra », autores que respaldaron la puesta en marcha de reformas dirigidas a mejorar las condiciones de las clases populares.

Rosalía (1945) es un probable pedido que se le hizo a Luisa Carnés para rescatar la biografía de una gran poetisa gallega, Rosalía de Castro (1837-1885), injustamente ninguneada dentro de la poesía ibérica.

Rosalía de Castro nació de madre soltera y padre eclesiástico el 21 de febrero de 1837, fruto de los amores de doña Teresa de Castro y del canónigo de la parroquia de Santa María de Iria, en Galicia.

Fue una niña enclenque y enfermiza desde temprana edad, tuvo una niñez triste y poca belleza física, contra balanceada con mucha dulzura y vivacidad hacia todo lo que brilla y vive. A la adolescencia se le hizo el diagnóstico de tuberculosis y su crecimiento fue delicado, Rosalia será una persona suspirante e impresionable. A través del dolor de la Galicia campesina y marinera, Rosalía llegará a formarse como mujer, como poeta, como española. Su voz poética responderá al sentimiento de su pueblo, que cala en ella muy hondo desde la primera edad. El paisaje y las desdichas gallegas entrarán en ella, y el pueblo será quien se eleve en su voz en el propio idioma gallego.

Al llegar a la juventud, su vocación se afirma. Rosalía halla su numen poético en lo familiar : la vegetación del Valle de Padrón, los ríos que lo bañan, las montañas cercanas, las estrellas, las flores. De ahí su honda extracción popular. Su sentimiento lírico se manifiesta bajo la más difícil de las formas : la sencillez.

En 1855, a los 18 años llega a Madrid, profesa gran admiración por el poeta alemán Enrique Heine (quien fallecerá un año después), establece una relación de amistad con Gustavo Adolfo Bécquer con quien comparte gustos y admiraciones comunes. Bécquer y Rosalía, al elevar su voz poética han mostrado el camino a los que vinieron detrás. El clima de Castilla no le asienta bien por lo que vuelve siempre a su querida Galicia y al entorno de su madre que ella adora.

A los 21 años, en 1858, se casa con Manuel Murguía, 18 años mayor, sin gran atractivo físico, historiador, escritor y narrador brillante, fino y pulcro. Eran seres disparejos que apetecían la paz interior, pero Rosalía tenia la intuición que su marido no la comprendía aunque cuando él se ocupa de su esposa/poetisa, Merguía es el primero en descubrir a la escritora, en alentarla, en señalar a la crítica española el gran poeta que alienta en la provinciana que vive escondida en la villa de Padrón. Pero no fueron felices. Se cree por diferencias de caracteres. Las peculiaridades de los enfermos del pecho -malhumorados, irritables, hiperestésicos- poseídas en alto grado por la escritora, contribuyeron a la separación moral de los esposos, separación que los años ahondaron.

La muerte de su madre provoca un paréntesis de ocho años en la carrera literaria de Rosalía de Castro. Calor de intimidad :eso es Rosalía de Castro. Esa intimidad de sus versos es lo que hace grande a la escritora, es lo que imprime rango universal a su obra poética. El llamado « localismo rosaliano » es la raíz más honda de la universalidad poética de la autora de Cantares gallegos.

A Rosalía cabe el honor de haber abierto los ojos de España al dolor gallego, al abandono y la tragedia secular del pueblo gallego, que emigra empujado por la necesidad más que impulsado por afanes nómadas heredados de sus ancestros. Ella establece en el siglo XIX un nexo auténtico entre el escritor y su pueblo al recoger en su obra el ambiente gallego, el paisaje y las tradiciones de su patria chica. Por la esencia y por la forma, Rosalía de Castro, es una precursora. Es una revolucionaria de la poesía porque acabó hundiendo a las antiguas generaciones y produjo un movimiento que barrió, con sus aguas puras, toda hojarasca vana.

Un hermoso homenaje póstumo por una pluma excepcional.

Siguiendo la sugerencia de Victor Manuel, autor del blog Libro Abierto, incluyo a posteriori una muestra de la poesía de Rosalía de Castro, en gallego, escrita a una temprana edad, con las primeras impresiones de la campiña y del ambiente, recogidos y asimilados en su sangre durante años de candor.

Cada estrela, o seu diamante; / cada nube, branca pruma, / trist’a lua marcha diante.

Diante marcha crarexando / veigas, prados, montes, ríos, / dond’o dia vai faltando.

Más tarde, hacia 1863 bajo el título de Cantares gallegos, sobresale su amor al terruño, se hace más sensible, cada suspiro, cada lágrima de la poetisa adquieren forma poética :

Levaime, levaime, airiños, / levaime adonde me esperan / unha nai que por min chora, / un pai que sin min n’alenta, / un irman por quen daría / a sangre d’as miñas venas, / e un amoriño a quen alma / e vida lle prometera.

Otro libro comentado : Tea Rooms (mujeres obreras).

ROSALÍA, Hojas de Lata 2018 (LC 1945), ISBN978-84-16537-22-8