Karine Tuil est une écrivaine française (Paris 1972) ayant fait des études de Droit et de Sciences Politiques. Elle a déjà publié quelques 11 livres; je trouve qu’elle écrit bien; tous les livres lus m’ont semblé d’une grande pertinence car ils posent des questions sur la société et surtout sur la question identitaire, en particulier sur la judéité.
Maintenant que j’ai lu plusieurs de ses livres, j’appréhende mieux son univers littéraire : la judéité, la loi, le sexe souvent détonateur d’une crise, le rôle du père, et cet humour juif si corrosif et auto-dérisoire. Ce sont ces thèmes qui reviennent dans ses romans.
Douce France (2007) est déjà le sixième roman de l’auteure, un texte qui sent fort l’auto fiction: une jeune femme trentenaire, écrivain, se voit embarquée dans une rafle de sans papiers (embarquée où situation provoquée?). Elle voulait faire le poids entre notre cher dicton « douce France » et ses propres démons identitaires contre balancés avec la situation des sans papiers.
Elle décrit avec précision une centre de rétention administrative, probablement celui de Mesnil-Amelot, un centre qui serait au dessus des autres. Elle se fait embarquer car, bien que française, elle n’a pas de documents sur elle (prémédité?). Une fois dans le centre elle constate la précarité, mais aussi le manque total de visibilité avec des gens qui mentent pour échapper à l’expulsion.
D’ailleurs la jeune femme ment aussi et se fait passer pour une roumaine. Elle croise, lors de la rafle, un beau et ténébreux biélorusse qui raconte des salades très élaborées. Non seulement elle le croit, mais s’amourache du bonhomme.
Une fois son expérience menée à bout, elle se fait exfiltrer par son père; j’aurais pensé que les conséquences légales de cette « expérience limite », conduirait à une punition pour avoir voulu tromper l’appareil judiciaire. Ce point n’est pas soulevé.
Comme elle semble toujours éprise du biélorusse, elle saura qu’il raconte encore une autre histoire, d’autres mensonges.
C’est un monde quasi irréel où le mensonge prévaut, où tout est faux dès le départ, où il n’y a pas de limites ni de correction.
Autres livres commentés : Interdit, Les choses humaines, Tout sur mon frère, L’insouciance, L’invention de nos vies, La Décision. Six mois, six jours . La domination
DOUCE FRANCE, Grasset 2007, ISBN 978-2-246-70991-6