Amélie Nothomb est le nom de plume de Fabienne Claire Nothomb, écrivaine belge (Etterbeek 1966) d’expression française. Elle aurait écrit plus de 80 romans, mais n’en aurait publié qu’un seul par an depuis 1992 (Hygiène de l’assassin). C’est une écrivaine prolifique aux habitudes bien connues : elle écrit entre 4 et 8 heures du matin, sur un cahier d’écolier et avec un Bic bleu. J’avais lu seulement deux livres avant la création du blog: Stupeurs et Tremblements (1999) un roman excellent sur le choc des cultures qui a fait aussi le sujet d’un film d’Alain Corneau (2003), film au titre éponyme, qui est aussi excellent. Puis Ni d’Ève ni d’Adam (2007), une histoire d’amour entre une belge et un japonais qui va durer deux ans.
J’aime bien déguster de temps en temps un Nothomb, car je trouve que c’est une auteure originale, les thèmes traités sont d’une grande versatilité, son écriture est très bonne, assez personnelle avec des manies: le mot pneu qu’il faut essayer de trouver dans chaque livre, glissé dans le texte, un vocabulaire par moments recherché ce qui ajoute une note érudite. Je crois aussi qu’il faut lire ses romans au deuxième degré car ils véhiculent pas mal d’auto fiction. Je trouve aussi pas mal de fraîcheur dans ses courts romans.
Une forme de vie (2010) est un court roman épistolaire qui m’a bien plu. Quelle imagination que celle de l’écrivaine ! Car le sujet tout en étant loufoque, paraît vraisemblable et le mélange entre autobiographie et fiction est démoniaque.
C’est le 19è roman publié par cette prolifique auteure belge.
L’idée en serait venue à Amélie lors d’un déplacement aux EEUU en février 2009, lorsqu’elle a lu un article de presse à USA Today, à Philadelphie où l’on parlait d’une épidémie d’obésité chez les soldats américains en Irak.
Amélie Nothomb est la protagoniste d’un échange épistolaire nourri avec Melvin Mapple, un soldat 2è classe basé en Irak. C’est lui qui l’a contacté ayant besoin d’une confidente/empathique car il a un problème d’obésité morbide et il le vit mal. Il est loin d’être le seul au sein de l’armée. Ce seront les 10 mois d’échanges avec Melvin qui vont donner naissance à « une forme de vie ».
Ce sont des soldats qui se sont mis à dévorer pour se constituer une carapace de graisse qui les isole des autres et du monde atroce de la guerre. C’est rien de moins qu’un mode de protestation contre cette sale guerre d’Irak.
Le problème est que le 2è classe Mapple prend un kilo par semaine et qu’il avoisine les 180 kilos au moment des faits !
(J’étais terrorisée par cette prise de poids permanente, je sentais venir la crise cardiaque fulgurante du soldat ou alors son éclatement en me demandant comment Amélie allait se débrouiller avec toute cette barbaque répandue…)
Cela dit, l’écrivaine aborde le sujet avec pas mal d’humour et de pertinence, je dois avouer que je n’ai pas arrêté de sourire malgré mes frayeurs.
Cet échange épistolaire avec le soldat fictif Mapple alterne avec des pensées d’Amélie Nothomb sur l’écriture épistolaire à laquelle elle sacrifie une bonne partie de son temps (elle aurait env. 2000 correspondants). Elle explique aussi comment elle trie sa correspondance et donne le détail d’une partie des échanges avec ses lecteurs : ce n’est pas toujours très glorieux, cela peut s’avérer opportuniste de la part de certains.
Cet échange épistolaire a servi à l’écrivaine pour traiter ou re-traiter des thèmes que lui sont chers : l’alimentation, le corps et ses déviances, l’empathie.
Lecture surprenante, originale, avec une fin inattendue et un mélange entre fiction et autobiographie poussé avec une telle perfection, que le lecteur perd pied. La qualité de l’écriture de Nothomb est là avec son petit cortège de mots recherchés, sans oublier le mot fétiche « pneu » que j’ai retrouvé trônant au bon endroit.
Autres livres commentés : Frappe-toi le coeur . Premier sang . Les aérostats . Journal d’hirondelle . Le livre des soeurs . La nostalgie heureuse .
UNE FORME DE VIE, Albin Michel 2010, ISBN 978-2-226-21517-8