Archive | janvier 2024

Sous les vents de Neptune de Fred Vargas

Fred Vargas est le nom de plume de Frédérique Audoin-Rouzeau, écrivaine, archéo-zoologue et médieviste française (Paris 1957). Elle est connue pour ses polars mettant en scène le Commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, une série créé en 1991. Fred Vargas fait partie des 10 romanciers les plus vendus en France et elle a reçu d’innombrables prix dont le Prix Princesa de Asturias de Littérature 2018.

Sous les vents de Neptune (2004) est le quatrième tome avec le commissaire Adamsberg et j’avoue ne pas avoir lu les trois opus précédents. Ce n’est pas bien, j’aurais dû respecter l’ordre chronologique pour mieux saisir l’évolution des personnages.

Une adaptation pour la TV en 2008 a été réalisée par Josée Dayan pour France 2, avec deux épisodes et avec Hughes Anglade dans le rôle du commissaire Adamsberg; j’ai visionné il y a peu l’épisode tiré de ce livre et je dois dire que je l’ai trouvé assez confus en général, heureusement que ma lecture était assez récente pour suivre la trame. Quelle émotion d’apercevoir Jeanne Moreau dans le rôle de Josette, la hackeuse hyperdouée.

Dans les savoureux romans de Fred Vargas, l’histoire policière se tient, mais c’est la richesse et l’originalité de son écriture qui captive le lecteur.

Dans ce tome j’ai fait quelques découvertes : le passé d’Adamsberg, plutôt difficile, car il traine des casseroles (l’affaire de son frère Raphaël, sa paternité non assumée, sa personnalité étrange). Cette psychologie particulière du commissaire, toujours dans sa bulle et en train de « pelleter des nuages », ses intuitions, ses attitudes pour le moins farfelues, sont originales. Mais sous cet aspect, il a véritablement de la suite dans les idées et il est capable de mener à bien pas mal de cas tordus.

L’équipe qui le seconde est totalement hétéroclite, mais elle est soudée et ses hommes lui font entièrement confiance. Son deuxième est le capitaine Adrien Danglard, un personnage à l’opposé d’Adamsberg mais tellement complémentaire. Dans ce tome Danglard se surpassera et récoltera une promotion bien méritée alors que l’ineffable commissaire va se retrouver en fuite et honni de la Police ! On sait peu de choses sur la vie privée de Danglard, à part qu’il élève seul (et bien) ses enfants et qu’il porte un culte à la dive bouteille.

Dans cet opus apparaît Camille, de façon un peu floue, on ne saura pas quel rôle elle joue ou elle a joué dans la vie d’Adamsberg. Lequel sera informé incidemment qu’il est le père de son enfant. Mais le commissaire « glisse » sur la nouvelle, il ne lui donne aucune importance. Aussi, j’ai été étonné qu’il entame des relations intimes avec une jeune française au Canada (un peu détraquée, la pauvrette) et il me semblait presque normal qu’il prenne la poudre d’escampette.

Il y a un rapport entre Danglard, Camille et le commissaire, que je n’ai pas réussi à définir; peut-être ceci est expliqué dans les 3 tomes précédents ?

Violette Retancourt en impose toujours, au physique comme en action, surtout dans ce tome. C’est mon personnage préféré parce qu’elle est toujours présente quand on a besoin d’elle, qu’elle est carrée et téméraire.

Quant au cas policier dans ce tome, je l’ai trouvé tiré par les cheveux : plus de 30 années de meurtres en série, toujours avec le même scénario : la mort à l’aide d’un trident et près du macchabée, toujours un coupable désigné bardé d’empreintes et preuves accusatrices. De plus Adamsberg connait son identité, mais personne ne le croit. Et l’assassin en veut à Adamsberg, se sera une lutte sans merci où le commissaire va se retrouver au banc des accusés !

Bref, un vrai plaisir de lecture parce que Fred Vargas sait insuffler beaucoup de tendresse et de drôlerie à ses personnages. Cette fois elle a soigné le langage des canadiens, les caricaturant un maximum pour nous faire rire. Le langage coloquial de Clémentine est aussi très bien rendu. Je me suis bien amusée, cela fait du bien.

J’ai recherché le côté scientifique dans l’histoire et il est présent dans la motivation du voyage au Canada des 8 personnes de l’équipe du commissaire : ils partent pour se former aux nouvelles techniques sur les empreintes génétiques où les canadiens excelleraient.

Promis-juré, je lirai les 3 tomes restants dans l’ordre chronologique à la recherche d’un peu de logique.

Autres livres commentés : Coule la Seine . Quand sort la recluse . L’armée furieuse . Un lieu incertain . Sur la dalle . L’homme aux cercles bleus .

SOUS LES VENTS DE NEPTUNE, Viviane Hamy Éditions 2004, ISBN 2-87858-190-3

La traducción del mundo de Juan Gabriel Vásquez

Juan Gabriel Vásquez (Bogotá 1973) es un escritor colombiano (novela, ensayo y cuento), también periodista y traductor del inglés. Posee la doble nacionalidad colombiana y española.

Su obra es una reacción al realismo mágico y una indagación permanente del pasado. Sus personajes están casi siempre confrontados a una violencia, con vidas que toman rumbos diferentes.

La traducción del mundo (Las conferencias Weidenfeld 2022) es un libro sobre la literatura, un ensayo que reúne las 4 conferencias que dio el autor en Oxford entre octubre y noviembre 2019, dónde presentó a la ficción como una herramienta para comprender la realidad. Otros autores de primer plano han dado conferencias, como Javier Cercas, Mario Vargas Llosa, Umberto Eco, etc. Ningún francés por el momento.

Dijo JG Vásquez que sólo preparó la primera ponencia y que las siguientes las fue sacando de la experiencia y del recibimiento de la primera. Hay que tener maestría para proceder así !

Las conferencias de Weidenfeld se dan en Literatura comparada europea desde 1994 en St Anne’s College, Oxford. Existe también un Premio Oxford-Weinfeld para la mejor traducción al inglés desde una lengua moderna europea; el premio fue creado por Lord Weidenfeld (conocido editor) y auspiciado por el Queen’s College y St Anne’s College de Oxford.

Juan Gabriel Vásquez dio sus conferencias (abiertas a todos) y Alfaguara las ha publicado. Me interesó esta lectura porque todo lo que atañe a la literatura me atrae, esperé aprender sobre ficción.

Me parece que no fueron conferencias de un estilo didáctico, sino una digresión de parte de un erudito en literatura que nos lleva por su camino al cual hay que adaptarse. Es un camino estrictamente personal, trazado por sus propias lecturas y experiencias. El nivel es alto, más cercano a un pensamiento filosófico que a un curso sobre la ficción.

La pregunta central del libro es qué buscamos en la ficción ? (buscamos, entre otras cosas, remediar la insatisfacción de tener una sola vida, una sola identidad, tenemos sed de ser otras personas para tener otros puntos de vista, porque la ficción nos da lo que el mundo real no nos puede dar).

Para Juan Gabriel Vásquez la vida se explica por la ficción porque sin ella, la vida se entiende menos. La ficción nos hace vivir y experimentar cosas a través de otras vivencias, nos enriquece, al mismo tiempo que apacigua nuestra curiosidad. La ficción actúa como un lente con el que vemos el mundo y que nos permite encontrar las preguntas correctas, la literatura nos ha enseñado a ser humanos.

El autor se cuestiona: qué permite saber del otro ? qué nos permite saber del pasado ? por qué la ficción es un lugar de libertad, al menos por el momento ?

Hay mucho revuelo alrededor del concepto que han llamado « la apropiación cultural », donde se impide, se roba la capacidad de meterse en la piel de otro : que un blanco escriba sobre un negro, o que un heterosexual escriba sobre otras prácticas sexuales por ejemplo. No es difícil imaginar el empobrecimiento al que llegaríamos si esto de la apropiación cultural se difunde.

Otros libros reseñados : Canciones para el incendio . El ruido de las cosas al caer . Las reputaciones . Los amantes de Todos Los Santos .

LA TRADUCCIÓN DEL MUNDO, Alfaguara 2023, ISBN 978-84-204-7616-2

Nuits Appalaches de Chris Offutt

Chris Offutt est un scénariste, journaliste, professeur et écrivain américain (Kentucky 1958).

Nuits Appalaches (Country Dark 2018) a reçu le Prix Mystère de la critique et le Grand Prix du Roman Noir Étranger à Beaune en 2020. C’est un roman noir et réaliste, un vrai conte moral.

J’ai beaucoup aimé cette lecture, c’est un livre fort qui vous remue et longtemps après l’avoir refermé, cette histoire vous hante.

C’est l’histoire de Tucker, 18 ans, qui revient vivant de la guerre de Corée où il a appris beaucoup de choses, entre elles a tuer, à manier à la perfection un couteau, à observer et à se taire. Dans les années 50 il revient à son Kentucky natal, l’État de l’herbe bleue avec ses plaines et ses montagnes Appalaches, des espaces infinis où vivent, ou plutôt vivotent des blancs pauvres comme lui.

En cours de route il va croiser Rhonda, 15 ans, native aussi du Kentucky, aussi pauvre que lui, et qu’il va sauver in extremis d’un viol par un oncle.

Entre Tucker et Rhonda ce sera le coup de foudre immédiat et définitif. Ils vont fonder une famille et cette famille sera la seule vraie chose qu’ils auront tous les deux. Ils auront 6 enfants en 11 années dont 4 sont des handicapés graves. Mais c’est une famille aimante et Tucker se démène comme un fou pour qu’ils puissent manger à leur faim; Rhonda sera une mère attentive et dévouée, aidée par sa fille ainée qui est normale.

Tucker travaille des années comme chauffeur de camion pour un bootlegger car dans le Kentucky il n’y a pas de travail et en général les hommes s’exilent dans d’autres États pour pouvoir subsister, mais Tucker ne veut pas s’éloigner de sa famille, il assume la complexité de leur vie. C’est un excellent père de famille et un bon mari.

Au bout de tant d’années à vivre en hors la loi, il accepte un deal avec son chef alors que sa conscience lui dicte de refuser, mais il est acculé par le besoin. Ce sera le climax dramatique de la fin de ce roman excellent.

Chris Offutt nous livre dans ce livre un univers violent et sauvage où le bien et le mal ont des limites imprécises et la morale doit s’adapter aux facteurs locaux, avec des gens qui ont des vies difficiles où rien n’est gagné d’avance. La nature du Kentucky apparaît splendide et intimidante à la fois. C’est l’Amérique des laissés pour-compte chez qui la lutte pour la survie est au paroxysme.

Dans un langage direct et minimaliste, l’auteur nous décrit la vie de gens pauvres du Kentucky (qui est aussi son sol natal), des gens isolés, laissés à eux mêmes, sans sources de travail de proximité. Tucker et Rhonda ils sont comme ils sont parce que c’est comme cela dans les Appalaches, et on ne peut pas juger Tucker, un héros, un bon gars poussé au crime par les circonstances.

NUITS APPALACHES, Gallmeister 2019 (CO 2018), ISBN978-2-35178-192-0

Tea Rooms (Mujeres obreras) de Luisa Carnés

Luisa Carnés fue una escritora (cuentos y novelas) y periodista española (Madrid 1905-Ciudad de Mexico 1964); militante comunista, se exilió en Mexico al final de la Guerra Civil tomando la nacionalidad mexicana en 1941. La autora permaneció inédita en España por más de 45 años.

La escritora hace parte de la generación del nuevo romanticismo, considerada como la narradora más importante del grupo del 27, formando parte de autores que se estudia bajo la denominación « narrativa social de preguerra », autores que respaldaron la puesta en marcha de reformas dirigidas a mejorar las condiciones de las clases populares.

Tea Rooms (Mujeres obreras) es su obra más conocida que le trajo la consagración, una novela social escrita entre 1932-33.

La novela destaca las desigualdades que viven las mujeres en el espacio laboral y en la vida cotidiana, con trabajos precarios y mal pagados. En el libro se abordan temas candentes como el divorcio, la maternidad, el matrimonio, el aborto, planteando el surgimiento de una nueva mujer en la España de los años 30, una mujer que busca la emancipación a través del trabajo, con una perspectiva totalmente femenina.

LA NOVELA : Matilde necesita trabajar para ayudar a su familia y encuentra trabajo en un salón de té que emplea (y explota) a varias mujeres, todas con problemas económicos, son casos sociales. Les pagan mal y no tienen casi ningún derecho. Se presentan los sindicatos, lo que es muy mal visto por los patrones; las causas de despido pueden ser mínimas y las obreras pueden retornar a la miseria fácilmente, cuando no, instalarse en la prostitución. No hay muchas alternativas. Las condiciones sociales y la higiene son deplorables, las familias son células sociales resquebrajadas por la miseria y la falta de educación.

Matilde parece tener una visión más clara del problema e intuye que ha que luchar y defenderse. De toda evidencia la práctica que realizó Luisa Carnés en un salón de té madrileño, le sirvió de modelo para escribir sobre este drama humano y femenino con una justeza de tono que agrega gran dramatismo a la historia.

Una obra fuerte que me recuerda el estilo del naturalista francés Emile Zola, sólo que él ambienta sus relatos sociales en la Francia de la segunda mitad del siglo XIX.

Un epílogo interesante de Antonio Plaza, profesor de historia que colaboró con Luisa Carnés, cierra el libro.

TEA ROOMS, Hoja de Lata 2016 (LC 1934), ISBN 978-84-16537-11-2

Canoës de Maylis de Kerangal

Maylis de Kerangal est le nom de plume de Maylis Le Gal de Kerangal, une romancière, éditrice et nouvelliste française (Toulon 1967) ; elle possède déjà une vaste bibliographie et cumule les prix.

Son style se caractérise par des phrases amples et une riche utilisation du vocabulaire; ceci a permis à Claire Stolz (maitre de conférences en grammaire et stylistique) de nommer son style « sublimation poétique », car le phrasé de la prose, scandé par l’utilisation précise de la virgule, permet de retrouver une certaine musicalité du texte, surtout si on le lit à haute voix.

Canoës (2021) est un recueil 8 nouvelles courtes, sauf la nouvelle Mustang qui se rapproche de la novella avec 72 pages et qui serait son récit le plus personnel. Le titre paraît assez énigmatique, mais dans des interviews l’auteure a expliqué qu’elle l’avait choisi parce que le canoë est un instrument pour la transmission chez les amérindiens et qu’elle voue un culte à cet objet, possédant même un beau et léger canoë suspendu dans un couloir de son domicile.

Ce recueil, écrit pendant cette malheureuse pandémie qui a exigé de nous isoler derrière un masque, a fait qu’elle s’intéresse à l’organe de la voix. Ce serait la voix qui relierait les histoires entre elles. Ce sont des histoires narrées a la première personne et toujours avec des voix féminines qui vont aborder des sujets tels que la peur, le déracinement, l’amitié, le temps qui passe, la fragilité de la vie, etc.

La novella Mustang m’a beaucoup plu. Elle montre bien les difficultés d’adaptation d’une européenne à l’immensité et l’hétérogénéité de l’Amérique du Nord, ici le Colorado. Elle sera surprise par la découverte d’une Amérique à deux niveaux, en même temps que la découverte d’un territoire fascinant par sa diversité et son étendue. Je crois savoir que l’auteure a fait deux séjours dans le Colorado, ce qui explique ce texte intéressant.

Un autre récit qui m’a ému c’est Un oiseau léger où la voix d’une morte, enregistrée sur un répondeur téléphonique, la fait exister encore parmi les siens. Cette situation pourrait se présenter à chacun d’entre nous. Je crois que personnellement je garderais la voix pour raviver un souvenir qui aura tendance à s’estomper avec ce temps qui efface tout.

Les autres récits ne m’ont pas laissé un souvenir marqué.

Maylis de Kerangal a inséré dans chaque nouvelle le mot canoë ; cela m’a rappelé qu’Amélie Nothomb insère souvent le mot pneu dans chacun de ses courts romans.

Autre livre commenté : Réparer les vivants .

CANOËS, Verticales 2021, ISBN 978-2-07-294556-4

Papeles falsos de Valeria Luiselli

Valeria Luiselli es una escritora mexicana (México 1983) que vive actualmente en los EEUU. Después de estudios de filosofía, siguió un taller de creación literaria en la universidad de Columbia (NY) dónde obtuvo posteriormente un doctorado en Literatura comparada.

Papeles falsos (2010) es su primer libro, un corto libro inclasificable, armado en 10 partes y que reúne digresiones de la autora sobre temas variados : mucha meta-literatura con citaciones de autores (y algunas de sus frases célebres) o que a ella le han gustado, alusiones a vidas privadas, recuerdos de la autora, paseos en bicicleta por México DF, ríos mexicanos, el lenguaje y sus peculiaridades, la búsqueda de la tumba de Brodsky en Venecia, el origen de la palabra saudade en portugués, etc.

Resalta la calidad de la escritura con una polifonía en otros idiomas (sobre todo en inglés) y una abundancia de reflexiones interesantes y acertadas sobre los temas. La formación filosófica de Luiselli le permite probablemente esos análisis interesantes sobre tantas variopintas situaciones.

En otros términos, esta obra rezuma inteligencia, conocimientos y una tendencia a tener un estilo propio, una propensión divagatoria que por momentos puede resultar muy irónica y divertida y que induce a pensar.

Se refiere mucho a Joseph Brodsky, el poeta ruso Nobel de Literatura en 1987 y enterrado en Venecia, del cual comenté en este blog su libro Marca de agua. De Brodsky Valeria Luiselli cita una frase que me ha encantado,  » el polvo es la carne del tiempo » y escribe, al comienzo de este libro : Brodsky tuvo un sinnúmero de cuartos, pero quizá sea cierto que una persona sólo tiene dos residencias permanentes : la casa de la infancia y la tumba. Todos los demás espacios que habitamos son mera continuidad grisácea de esa primera morada.

Otro libro comentado : Los ingrávidos .

PAPELES FALSOS, Ensayo Sexto Piso 2010, ISBN 978-84-18342-04-2

Bretagne cachée de Marion Ploquin et Hervé Ronné

Marion Ploquin est une muséographe française (1986), spécialisée dans la conservation et transmission du patrimoine, notamment breton, détentrice aussi de deux masters : recherche en Histoire de l’Art et Gestion/Valorisation des collections. Elle a créée en 2020 une agence de muséographie et de valorisation du patrimoine basée à Nantes.

Hervé Ronné est un auteur-photographe français indépendant (Évreux 1968) et un télé-pilote de drone professionnel. Il travaille pour la presse magazine, la communication et l’édition.

Bretagne cachée (2023) est un très beau livre de grand format illustré avec des photographies splendides et que j’ai apprécié parce qu’il vous emmène en dehors des sentiers battus.

Les sites dont il est question sont divisés en 5 parties : Interdits, Discrets, Privés, Délaissés et Disparus. Ils sont tous des sites façonnés par l’homme, il y a pas mal de sites techniques désuets, des constructions diverses, des maisons étonnantes, des curiosités voire des bizarreries.

La prose est résumée à l’essentiel et cela s’apprécie.

Parmi les sites interdits j’ai été impressionnée par le barrage du lac artificiel du Drennec à Sizun qui aurait été vidé pour l’entretien en 2006 (mise en service en 1981). Il faut remonter à la période de sécheresse nationale de 1976 pour prendre conscience du manque d’eau qui a nécessité la participation de l’armée pour apporter de l’eau à certaines régions dont la Bretagne. Cette pénurie a déclenché les travaux dès 1979 sur le Drennec, travaux qui ont fini deux ans plus tard; ce lac va recouvrir 110 hectares avec un barrage de type « poids » (seule la masse de la structure suffit à contrer la pression de l’eau). C’est le seul barrage de Bretagne classé dans la catégorie des grands, il est très surveillé.

Parmi les sites discrets j’ai adoré le réservoir d’eau potable de Lorient, au pied de la tour de la Découverte, construit entre 1875-76. Il peut contenir 3 100 mètres cubes d’eau potable. Voici un réservoir d’un esthétisme fou (il illustre la couverture de ce livre): 16 colonnes épurées soutiennent des voûtes d’arêtes élégantes. L’architecte de cette merveille est Édouard Angiboust qui s’est inspiré des citernes d’Istanbul. Le matériau de construction est un béton à prise lente et résistant à l’humidité, un matériau mis au point vers 1820 en Angleterre, un ciment hydrofuge qui a remplacé la pierre de taille utilisée alors. Cet ouvrage a été en service jusqu’en 1940.

Dans les domaines privés j’ai retenu la villa Le Caruhel à Étables-sur-Mer une maison dominant la baie de St Brieuc, bâtie en 1913 et achetée en 1925 par Louis Fricotelle, riche importateur de papier à cigarettes. Les travaux d’agrandissement ont été menés par l’architecte parisien Jean de la Morinerie. L’ensemble est d’une simplicité élégante, sobre et équilibrée. À l’intérieur de la maison on peut apprécier les oeuvres du peintre Mathurin Méheut et par terre les divines mosaïques d’Isidore Odorico; les ferronneries seront confiées à Edgar Brandt et Raymond Subes, très réputés en France.

Dans les sites délaissés j’ai remarqué la station sanitaire à Huelgoat en Finistère, en fait un sanatorium pour soigner la tuberculose qui faisait ravage au début du siècle dernier et dont Huelgoat fait partie des 23 premières à voir le jour après la promulgation d’une loi en 1915, car les infrastructures de l’époque étaient insuffisantes pour traiter civils et militaires. Le traitement se compose d’enseignements sur l’hygiène, de promenades et de repos; les chambres sont aérées quasi en permanence. Cette station fermera ses portes fin 1960; elle a été rachetée par un entrepreneur de Saint-Pol-de-Léon afin de transformer la bâtisse en logements locatifs, mais l’incendie d’un étage mit fin au projet.

Dans le chapitre des disparus il y a seulement 3 sites. Ce sont les écluses du plus grand lac d’eau douce de Bretagne, le lac Guerlédan qui m’ont impressionnée. Ce lac, entre Côtes-d’Armor et Morbihan emprunte le lit de la rivière du Blavet, lequel prend sa source à Bourbriac pour aller se jeter en rade de Lorient. Le canal qui relie Nantes à Brest (commandé par Napoleon en 1803) a nécessité la construction de 238 écluses dont 17 seront immergées au fond du lac Guerlédan ainsi que des maisons.

Une intéressante revue de lieux sur lesquels on n’a pas l’habitude de s’appesantir, mais ce sont des lieux riches en histoire locale du territoire français.

BRETAGNE CACHÉE, Éditions OUEST-FRANCE 2023, ISBN 978-2-7373-8926-9

El sueño de la razón de Berna González Harbour

(El libro y su autora en una foto de Daniel Mordzinski con una pintura de Goya al fondo, pintura de la serie Pinturas Negras conocida como La romería de San Isidro (1820-23).

Berna González Harbour es una periodista y escritora española (Santander 1965), la creadora del personaje de la comisaria María Ruiz. El sueño de la razón es el cuarto tomo de las andanzas de la comisaria, después de Verano en rojo (2012), un libro llevado al cine en 2023 por Belén Macías, Margen de error (2014) y Las lágrimas de Claire Jones (2017).

La escritora ha recibido varios premios, entre ellos el Dashiell Hammett de la novela negra española en 2020 con este libro (ya era finalista en 2018 con otro libro).

Después de la publicación de El sueño de la razón, la escritora publicó un ensayo con la biografía de Goya intitulado Goya en el país de los garrotazos, título de otro de los cuadros de las Pinturas Negras de Francisco de Goya del período 1819-1823: son aquellas pinturas que decoraron el último domicilio madrileño del pintor, conocido como la Quinta del Sordo.

El título de este libro emana de un aguafuerte de Goya de 1793 y que pertenece a la serie Los caprichos. La frase completa sería El sueño de la razón produce monstruos.

La lectura del libro no fue de mi agrado aunque el tema de los crímenes ilustrados por algunos cuadros/grabados del célebre pintor, me pareció original e interesante. Yo no había leído ningún otro libro con la temeraria comisaria y encontré que me faltaba información contundente para interesarme en el personaje. Encontré que ciertas relaciones profesionales con sus subordinados eran extrañas, como por ejemplo con Martínez o con Rubén y también sentí que me faltaban datos. Y sobre todo, encontré que María Ruiz, comisaria con expedientes se entrometía demasiado en los casos criminales, casi de manera insolente y demasiado arriesgada, sin arma y sin credenciales.

El autor de los crímenes es un loco amoral que mata « artísticamente » porque es un experto en Goya, pero carece de interés psicológico, de profundidad humana. El lector aprende tempranamente su rol criminal y sigue a la comisaria en una carrera desenfrenada y peligrosa. El Madrid que nos muestra el libro, no es un Madrid pimpollo, sino un Madrid dolente, siniestrado por las crisis, con una violencia latente, con problemas de salubridad y de mucha gente que sobrevive de rapiñas y de okupas. Hay un personaje secundario interesante en Eloy, un adolescente que ha escogido huir de un hogar, esconderse en las entrañas de la ciudad y que servirá de principal informador a la temeraria María Ruiz. Ninguna explicación tendrá el lector sobre la singularidad del personaje, quizá predestinado a una nueva aparición.

La escritora ha insertado en la novela algunos personajes arquetípicos como por ejemplo Luna y Nora. Luna encarna un periodismo « a la papá », desbordado por lo numérico, adicto al papel, mientras que la joven y petulante Nora, incarna lo nuevo, lo rápido, que nació con el numérico en la mano. Ambos colaboran a su manera con María Ruiz.

Una novela negra-negra que me ha dejado un resabio de insatisfacción aunque reconozco lo interesante que resulta aprender sobre el arte de Francisco de Goya, pionero del arte moderno. En todo caso tengo muchas ganas de leer el ensayo de González Harbour Goya en el país de los garrotazos que presiento muy ameno.

EL SUEÑO DE LA RAZÓN, Destino 2019, ISBN 978-84-233-5531-0

Le musée de l’Innocence d’Orhan Pamuk

Ferit Orhan Pamuk, dit Orhan Pamuk est un écrivain turc (Istanbul 1952), prix Nobel de Littérature 2006. Sa prose est riche, voire baroque, il navigue entre la poésie, le conte et la chronique. Il excelle dans l’art du détail pour décrire avec une grande minutie la vie de tous les jours. Son style mélange la tradition narrative et poétique du monde arabo-musulman avec l’avant-garde occidentale.

J’avais lu de lui Le Chateau blanc (1985), son troisième roman qui aborde le choc des civilisations entre l’Orient representé par un hadja (savant) sous le règne de Mehemet V et l’Occident représenté par un savant italien, les deux hommes sont le sosie parfait l’un de l’autre et le roman va développer un problème d’identité dans un « style voltairien », se posant une question : qu’est-ce que l’Homme?

Le musée de l’Innocence (2006) est le huitième roman de Pamuk et le premier après le prix Nobel. Ce roman est une fresque de 672 pages qui va nous raconter la passion de Kemal pour sa cousine Füsun alors qu’il est déjà promis à Sibel. Kemal de 30 ans est l’un des deux fils d’un industriel stambouliote, son futur est déjà tout tracé, il est fiancé à Sibel, une jeune fille de son milieu; quant à Füsun, 18 ans, elle est fille d’un professeur de lycée et d’une couturière, Füsun travaille comme vendeuse dans une boutique chic et c’est là que Kemal va la rencontrer pour la première fois : il en tombera amoureux et ce sera pour la vie.

Après avoir vécu une courte, mais intense relation charnelle avec Füsun, Kemal se fiancera en grande pompe avec Sibel pour finalement rompre les fiançailles car il est obsédé par sa cousine. Füsun va se terrer quelque part après ces fiançailles puis se mariera avec un cinéaste. Sa grande beauté fera qu’elle rêvera de devenir actrice, ce qui ne se fera pas, en raison de l’intervention de Kemal afin de la préserver d’un milieu qui ne respecte pas les femmes.

Ce Kemal est véritablement un anti-héros, un être qui navigue en permanence entre fiction et réalité. Je ne l’ai pas trouvé attachant du tout dans son délire.

Füsun et son mari habitent avec les parents de la jeune femme et Kemal se rendra plusieurs fois par semaine au domicile parental dans le but d’apercevoir sa bien aimée. C’est pendant cette période, qui va s’étaler pendant des années, que Kemal va developper une vraie pathologie connue comme syllogomanie ou thésaurisation compulsive d’objets. Dans le cas de Kemal, il deviendra, en plus, cleptomane car il commencera à voler des objets ayant appartenu à Füsun ou des objets qu’elle a touchés, dans la perspective de monter un musée (d’où le nom du roman: Le musée de l’Innocence, l’innocence de l’amour de deux êtres qui se donnent l’un à l’autre en dehors des conventions sociales).

La « pathologie » de Kemal va associer d’autres anomalies : il deviendra menteur et manipulateur.

La vie de la société stambouliote est très bien décrite montrant l’énorme écart entre les traditions fortement ancrées et les aspirations vers un modernisme à l’occidentale.

Je dois avouer que j’ai eu du mal avec cette passion morbide de Kemal envers sa cousine, par moments son attitude m’a exaspéré, agacé à un point indicible. Mais, in fine, je suis satisfaite de cette lecture si différente, un roman à l’eau de rose, version istambouliote des années 70 du siècle dernier avec cet engouement turc pour le cinéma, et le rêve des classes favorisées pour un Occident plus libre…Cinquante années plus tard, ils doivent se retrouver dans une position encore plus arriérée.

Il faudra lire les 762 pages pour connaitre la fin de cette histoire d’amour hors normes. En ce qui me concerne, j’ai terminé cette lecture plutôt éreintée. L’Histoire de la Turquie apparait en filigrane (coup d’État de 1980), ce n’est pas l’objet du récit.

Il y a une étonnante mise en abyme car on lit que c’est le propre Orhan Pamuk qui écrit l’histoire d’un Kemal vieillissant , qui se déclare très heureux.

Le plus extraordinaire est que le musée de l’Innocence existe, il a été crée par Orhan Pamuk à Istanbul dans le quartier de Çucurkuma (quartier des antiquaires), inauguré en 2012 et ayant reçu le prix du musée européen de l’année 2014. C’est une bâtisse rouge de 3 étages qui tranche sur les autres bâtiments (voir photo) où 83 vitrines (une pour chaque chapitre) montrent des objets de la vie quotidienne et de la culture stambouliotes; chaque vitrine raconte un épisode de la vie à Istanbul en 1970. On dit que Pamuk a écumé pendant 15 ans les antiquaires à la recherche de ces objets.

Un film a été tourné en 2015 par Grant Gee : Orhan Pamuk, l’éloge de la mélancolie avec 3 parties : celle du Musée, celle d’Istanbul et celle de l’écrivain (film non vu).

Le musée de l’Innocence- Istanbul

LE MUSÉE DE L’INNOCENCE, Gallimard 2011 (OP 2006), ISBN 978-2-07-078659-6

Generosos inconvenientes de Luisa Valenzuela

Luisa Valenzuela es una escritora argentina (Buenos Aires 1938), autora de cuentos, novelas, ensayos y microrrelatos. Además lleva años trabajando como periodista.

Residió en varios países, entre ellos en el Paris de los años 50, frecuentando grupos literarios como Tel Quel o le Nouveau Roman.

Generosos inconvenientes es un compendio de 17 cuentos cortos y un par menos cortos. Hay un relato que da el nombre al conjunto y decía la autora en una entrevista que fue en un bus que ella vió la frase en el periódico de un viajero y de inmediato la adoptó.

Los temas de Luisa Valenzuela son interesantes : el feminismo, críticas hacia Argentina, la violencia ejercida por el poder. La autora dice « escribir con su cuerpo » aunque la escritura sea un acto mental; me pregunto acaso si su escritura no tiene algo que ver con la escritura automática de los surrealistas. Sus relatos dejan los finales abiertos, inconclusos, hay sobreabundancia de elipsis y mucho humor fino que hay que desencriptar.

No es una lectura que me haya atrapado ni interesado, pero le reconozco una gran originalidad con el manejo del idioma, un verdadero juego lexical para ella, muy sutil y desarrollado (la misma impresión me causó hace poco el libro de la chilena Lina Meruane Sistema nervioso).

Los 17 cuentos leídos me han dejado pocos recuerdos, algunos no los entendí del todo, pero me gustaron aquellos donde ella re-escribe algunos cuentos de hadas (Blancanieves, Cenicienta, La Caperucita Roja); el resultado es muy divertido porque la verdad es que los cuentos infantiles, llenos de terror, son materia excelente para un análisis de lo subliminal que contienen.

GENEROSOS INCONVENIENTES, menoscuarto ediciones 2008, ISBN 978-84-96675-19-3