Bretagne cachée de Marion Ploquin et Hervé Ronné

Marion Ploquin est une muséographe française (1986), spécialisée dans la conservation et transmission du patrimoine, notamment breton, détentrice aussi de deux masters : recherche en Histoire de l’Art et Gestion/Valorisation des collections. Elle a créée en 2020 une agence de muséographie et de valorisation du patrimoine basée à Nantes.

Hervé Ronné est un auteur-photographe français indépendant (Évreux 1968) et un télé-pilote de drone professionnel. Il travaille pour la presse magazine, la communication et l’édition.

Bretagne cachée (2023) est un très beau livre de grand format illustré avec des photographies splendides et que j’ai apprécié parce qu’il vous emmène en dehors des sentiers battus.

Les sites dont il est question sont divisés en 5 parties : Interdits, Discrets, Privés, Délaissés et Disparus. Ils sont tous des sites façonnés par l’homme, il y a pas mal de sites techniques désuets, des constructions diverses, des maisons étonnantes, des curiosités voire des bizarreries.

La prose est résumée à l’essentiel et cela s’apprécie.

Parmi les sites interdits j’ai été impressionnée par le barrage du lac artificiel du Drennec à Sizun qui aurait été vidé pour l’entretien en 2006 (mise en service en 1981). Il faut remonter à la période de sécheresse nationale de 1976 pour prendre conscience du manque d’eau qui a nécessité la participation de l’armée pour apporter de l’eau à certaines régions dont la Bretagne. Cette pénurie a déclenché les travaux dès 1979 sur le Drennec, travaux qui ont fini deux ans plus tard; ce lac va recouvrir 110 hectares avec un barrage de type « poids » (seule la masse de la structure suffit à contrer la pression de l’eau). C’est le seul barrage de Bretagne classé dans la catégorie des grands, il est très surveillé.

Parmi les sites discrets j’ai adoré le réservoir d’eau potable de Lorient, au pied de la tour de la Découverte, construit entre 1875-76. Il peut contenir 3 100 mètres cubes d’eau potable. Voici un réservoir d’un esthétisme fou (il illustre la couverture de ce livre): 16 colonnes épurées soutiennent des voûtes d’arêtes élégantes. L’architecte de cette merveille est Édouard Angiboust qui s’est inspiré des citernes d’Istanbul. Le matériau de construction est un béton à prise lente et résistant à l’humidité, un matériau mis au point vers 1820 en Angleterre, un ciment hydrofuge qui a remplacé la pierre de taille utilisée alors. Cet ouvrage a été en service jusqu’en 1940.

Dans les domaines privés j’ai retenu la villa Le Caruhel à Étables-sur-Mer une maison dominant la baie de St Brieuc, bâtie en 1913 et achetée en 1925 par Louis Fricotelle, riche importateur de papier à cigarettes. Les travaux d’agrandissement ont été menés par l’architecte parisien Jean de la Morinerie. L’ensemble est d’une simplicité élégante, sobre et équilibrée. À l’intérieur de la maison on peut apprécier les oeuvres du peintre Mathurin Méheut et par terre les divines mosaïques d’Isidore Odorico; les ferronneries seront confiées à Edgar Brandt et Raymond Subes, très réputés en France.

Dans les sites délaissés j’ai remarqué la station sanitaire à Huelgoat en Finistère, en fait un sanatorium pour soigner la tuberculose qui faisait ravage au début du siècle dernier et dont Huelgoat fait partie des 23 premières à voir le jour après la promulgation d’une loi en 1915, car les infrastructures de l’époque étaient insuffisantes pour traiter civils et militaires. Le traitement se compose d’enseignements sur l’hygiène, de promenades et de repos; les chambres sont aérées quasi en permanence. Cette station fermera ses portes fin 1960; elle a été rachetée par un entrepreneur de Saint-Pol-de-Léon afin de transformer la bâtisse en logements locatifs, mais l’incendie d’un étage mit fin au projet.

Dans le chapitre des disparus il y a seulement 3 sites. Ce sont les écluses du plus grand lac d’eau douce de Bretagne, le lac Guerlédan qui m’ont impressionnée. Ce lac, entre Côtes-d’Armor et Morbihan emprunte le lit de la rivière du Blavet, lequel prend sa source à Bourbriac pour aller se jeter en rade de Lorient. Le canal qui relie Nantes à Brest (commandé par Napoleon en 1803) a nécessité la construction de 238 écluses dont 17 seront immergées au fond du lac Guerlédan ainsi que des maisons.

Une intéressante revue de lieux sur lesquels on n’a pas l’habitude de s’appesantir, mais ce sont des lieux riches en histoire locale du territoire français.

BRETAGNE CACHÉE, Éditions OUEST-FRANCE 2023, ISBN 978-2-7373-8926-9

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