Rajeev Balasubramanyan est un écrivain britannique (Lancashire 1974) auteur de plusieurs romans. Il a vécu aux USA et a fait des études à Oxford et Cambridge.
L’Odyssée du distingué Professeur Chandra (2019) est un titre bien long (effet mode?) pour un livre qui se lit bien car sa teneur camouflée dans la veine du « feel good » nous livre un discours assez pertinent sur plusieurs sujets.
Le Professeur Chandra est le nom raccourci de P.R. Chandrasekhar le plus grand spécialiste mondial du commerce international, professeur d’Economie à Cambridge, connu universellement, auteur de publications par centaines et orateur recherché dans toutes les manifestations de qualité dans son domaine. De plus, ce professeur est cité depuis des années pour le Nobel d’Economie sans que cela se concrétise, il en est obsédé.
Il va sans dire que le professeur Chandra a oeuvré tout ce qu’il a pu pour décrocher cette reconnaissance universelle, mais ce Nobel lui échappe. Évidemment pour en arriver là, c’est une ambiance « à la Dallas », c’est à dire un univers impitoyable où les congénères guettent la moindre chute, la moindre défaillance (on ne lui fait pas de cadeaux, mais il ne fait non plus aucun cadeau !).
Page 73…il était à la tête du département depuis 1 an pile. Jugeant scandaleux qu’une université d’économie aussi illustre que la leur (Cambridge) se retrouve classée derrière HEC; il s’était donné pour mission de trouver tous les maillons faibles du département, toutes les personnes qui s’imaginaient qu’un poste de titulaire à Cambridge leur donnait le droit de rabâcher le même cours pendant 20 ans ou d’écrire dans un anglais si relâché qu’ils auraient tout aussi bien pu vivre à Paris.
Page 203…Il faut juste essayer. Mais Chandra ne croyait pas du tout à ce qu’il venait de dire. Il avait essayé toute sa vie. Toutes ces heures passées à la bibliothèque, toutes les cigarettes, les maladies dues à l’épuisement, les compliments qui n’avaient aucun effet sur lui, à l’inverse des critiques, la jalousie de ses collègues, le temps perdu à les envier, et le travail, toujours plus de travail, des heures et des heures passées à pousser son rocher en haut de la montagne pendant que les autres prenaient le téléphérique.
Alors, contrastant avec une vie académique ultra brillante et au sommet de la planète, ce pauvre professeur Chandra a une vie privée absolument calamiteuse: sa femme l’a quitté (et s’est remariée avec un psy !), ses trois enfants vont mal, très mal même.
Car on dirait que ce cher professeur possède un QI au top avec un ego surdimensionné, mais une intelligence émotionnelle inexistante, qui l’a fait rater toute communication avec les siens. Au fil de l’histoire, l’homme se rendra compte du fossé émotionnel qui s’est creusé avec les siens, notamment avec ses enfants.
Cela donne lieu a des scènes cocasses, parfois violentes, parfois franchement drôles. Je pense notamment quand il se rend aux USA pour des conférences, là où réside son ex-femme remariée avec le psy, et le psy tient à lui payer un stage à 2000 dollars le WE à The Esalen Institut à Big Sur, un centre où l’on travaille sur « le potentiel humain ». Évidemment le professeur est farouchement contre mais il se verra acculé et en ressortira transformé. C’est intéressant de réfléchir sur leurs méthodes de travail et cela va sans dire que c’est reservé strictement aux nantis.
Voilà une histoire qui se tient et qui se lit avec intérêt et amusement parce que les dialogues sont nombreux et savoureux, pertinents et parce que la situation est somme toute assez universelle. On ne peut pas classer ce roman dans la catégorie des « feel good » parce que c’est un vrai roman.
L’ODYSSÉE, La Belle Étoile 2019, ISBN a/p