Ann Patchett est une femme de lettres nord américaine (Los Angeles 1963), installée à Nashville depuis ses 6 ans, où actuellement elle tient une librairie.
Une belle phrase de l’écrivaine…Écrire est un job, un talent, mais aussi un lieu où aller dans sa tête. C’est l’ami imaginaire avec qui boire son thé dans l’après-midi.
Orange Amère (Commonwealth 2016) est son 7ème roman, un roman qui raconte un drame familial construit comme un puzzle, constitué de 9 chapitres avec ses retours en arrière qui vont couvrir environ 50 ans de la vie de deux familles : les Keating et les Cousins.
L’histoire commence à Los Angeles avec les Keating qui fêtent le baptême de leur deuxième fille, Frances dite Franny qui sera la protagoniste de cette histoire de fratrie. Au cours de cette fête la mère de Franny fera la connaissance d’Albert Cousins, avocat et père de 3 enfants + 1 en gestation. Il sera foudroyé par la beauté de Beverly Keating et bientôt abandonnera femme et enfants pour convoler avec elle et s’installer en Virginie.
Ce sera le début de la dérive de cette fratrie composée de 6 enfants (2 Keating et 4 Cousins).
Les parents vivront leurs vies respectives et consacreront peu de temps aux enfants qui vont se retrouver chaque été en Virginie pour les grandes vacances.
Tous ces enfants auront des problèmes, spécialement les 4 enfants Cousins, les moins lotis pécuniairement. Ils auront à affronter le pire fléau : la mort de l’un d’entre eux par négligence, sans compter d’autres excentricités (arme à feu, alcool, drogues, études abandonnées, etc).
Vers 20 ans, Franny Keating va rencontrer un romancier à succès 30 ans plus âgé, en mal d’inspiration. Ils vivront quelques années ensemble et Franny lui racontera par le menu l’histoire de ces deux familles dysfonctionnelles. Ceci aboutira à la publication d’un livre appelé Orange Amère, qui deviendra dans cette fiction un best seller (le livre aurait gagné le National Book Award) et un film. Bien que l’écrivain ait pris soin de changer beaucoup de choses, tous les membres de la famille se reconnaitront et même, apprendront des choses par cette voie. C’est l’impact sur les Keating et les Cousins qui constituera la moelle de ce roman, rapprochant ces 10 vies si chaotiques.
La société de classe moyenne nord américaine est très bien décrite, avec ce côté manichéen pragmatique mais toujours positif pour régler et juger des choses. Et dans ce roman, la Constitution passe avant la Holy Bible !
Par exemple quand Patchett parle des deux pères cela devient intéressant. Je vous cite…Bert (le père Cousins, avocat) nourrissait la conviction jeffersonienne selon laquelle toute vie réussie se fonde sur une compréhension élémentaire de la loi, si bien que même si l’un des enfants voulait devenir infirmier ou enseignant, il attendait d’eux qu’ils commencent par obtenir un diplôme de droit. Sa certitude qu’on ne peut pas être vraiment intelligent ni intéressant sans comprendre la loi avait posé problème à ses deux mariages.
Le point de vue de Fix (le père Keating, policier) sur la loi était plus simple : il voulait que ses filles deviennent avocates parce que les avocats gagnent très bien leur vie. Si Caroline et Franny étaient financièrement indépendantes, il y aurait moins de chance qu’un jour elles quittent le type auquel elles étaient mariées pour un type riche. Fix était persuadé que l’histoire se répète, et il n’essayait jamais d’enjoliver la répétition. Si les choses étaient arrivées une première fois, elles pouvaient carrément se reproduire.
Un roman qui décrit par le menu la dérive qui peut résulter des comportements parentaux, laissant de côté l’éducation des enfants en les abandonnant à leur sort trop tôt. J’ai beaucoup aimé la construction en puzzle et l’humour détaché de l’écrivaine, sans jugement.
Autre roman commenté : La Maison des Hollandais . Dans la course .
ORANGE AMÈRE, Actes Sud 2019 (AP 2016), ISBN 978-2-330-11805-1