La transparence du temps (8) de Leonardo Padura

 

Leonardo Padura Fuentes (La Havane 1955) est cubain :  écrivain,  journaliste et auteur de scripts pour le cinéma. Il a la bi-nationalité cubano/espagnole depuis 2011. Il réside dans un quartier sud de La Havane, là où il est né. C’est le créateur du detective Mario Conde dont j’ai suivi avec délices toutes les aventures, un flic (aujourd’hui ex-flic) dont le premier credo est l’amitié indéfectible avec ses potes.

C’est le neuvième livre de Leonardo Padura commenté dans ce blog mais le premier que je lis en français. 

La transparence du temps (2019) est un tome assez volumineux avec un Mario Conde qui a quitté la police depuis 25 ans! et qui vit toujours de la revente de livres d’occasion; c’est l’année de ses 60 ans et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il rentre à reculons dans le quatrième âge. Le cercle de ses amis s’est bien rétréci avec les départs de l’île et les décès. La vie de tous les jours à Cuba est décrite avec force détails, c’est le système D en permanence.

On sent que en 2018 Leonardo Padura est beaucoup plus critique envers le régime et se permet une longue liste de récriminations de bon ton, plutôt sur le mode ironique, jamais agressif dans un contexte de La Havane en ruine et ruinée.

Mario Conde est un ancien policier de la Criminelle, un grand intuitif qui accorde de l’importance à ses prémonitions qui, en fait, se révèlent productives. Il est allergique à la modernité et ne possède même pas de téléphone portable.

Dans cet opus, Roberto « Bobby » Roque Rosell, un ancien camarade du lycée La Vibora, vient le solliciter après s’être fait piller par un ancien amant. Bobby trafique dans les antiquités et outre qu’on lui a vidé l’appartement, on lui aurait volé une vierge noire de grande valeur commerciale, mais surtout sentimentale car cette vierge serait arrivée à l’île avec un aïeul catalan après la Guerre civile espagnole et Bobby lui attribue des pouvoirs miraculeux.

Mario Conde accepte le cas, uniquement en raison des liens d’amitié avec Bobby et il faut le croire les yeux fermés (car c’est le credo de Mario Conde). L’enquête sera difficile et le pauvre Mario va laisser des plumes. C’est un milieu très fermé que celui de l’art. Tout le monde se connait et cela va du petit malfrat au nabab qui vit protégé par la nomenklatura locale.

Conde devra se faire aider par son ancien collaborateur au sein de la police, Manuel Palacios (Manolo), aujourd’hui Major de la Police; Manolo donne cette définition de Conde…un policier hétérodoxe et fantasque, allergique aux armes et à la violence, qui lisait trop, prétendait écrire et disait fonctionner en suivant ses coups de coeur, ses préjugés et ses prémonitions.

En même temps que l’intrigue policière, Leonardo Padura développe toute une information intéressante sur ces vierges noires très connues dans l’Europe médiévale; apparemment en provenance de l’Afrique maghrébine et je dirais que c’est la Vierge Noire qui est la protagoniste de l’histoire. 

Il y a dans le livre un personnage crépusculaire, un mendiant qui apparait et disparait, sans chaussures, ayant ses pieds entourés de sacs plastiques. Ce personnage donne peut être la clé du titre du livre: page 23 Padura écrit que Mario Conde en recherchant dans l’obscurité de la nuit l’homme aux sacs plastiques, il ne vit que l’obscurité de la nuit, un vide inquiétant qui par une étrange association d’idées, lui fit penser qu’il contemplait le monde à travers la patine transparente du temps.

Un bon et riche tome avec Mario Conde que l’on sent sur le déclin mais capable de boire encore des bouteilles de rhum jusqu’au bout de la chaude nuit caribéenne.

(J’aurais préféré nettement le lire en espagnol dans une langue plus truculente, mais bon, une occasion comme celle-ci ne se refuse pas).

Autres livres commentés : Passé parfait, Vents de Carême, Électre à La Havane, L’Automne à Cuba, Mort d’un chinois à La Havane, Les brumes du passé, Hérétiques, Ce qui désirait arriver, Adiós Hemingway, Poussière dans le vent, La novela de mi vida. Personas decentes

LA TRANSPARENCE DU TEMPS,  Metailié 2019 (LP 2018),  ISBN 979-10-226-0832-9

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