Jón Kalman Stefánsson est un romancier, poète et traducteur islandais (Reykjavik 1963); il est aujourd’hui un auteur avec une oeuvre importante ayant récolté de nombreuses distinctions de par le monde.
Ton absence n’est que ténèbres (2020) est son 13è roman, couronné par le Prix Jean Manuel Monnet et le Prix au Meilleur Livre Étranger en 2022. La traduction de ce roman est remarquable, un travail de choix par Éric Boury (qui a reçu un prix déjà pour la traduction d’un autre livre de cet auteur islandais).
Ce livre m’a été chaudement recommandé par quelqu’un qui lit beaucoup, en me disant que c’était le meilleur livre lu au cours de la dernière année. Je l’ai acheté.
Je ne sors pas enchantée de cette lecture. Voulant rester positive, je vais commencer par les points qui m’ont plu : 1) découvrir un peu l’Islande avec son territoire et ses gens entre 1900 et 2020 (terra incognita pour moi), 2) la façon franche d’aborder le sujet de la mort par l’écrivain, une mort omniprésente dans le récit, sans pathos ni hystérie ni faux-fuyants, souvent associés; 3) les envolées poétiques, belles et inspirées, venant d’un vrai poète; 4) l’ambiance métaphysique du roman qui vous amène à réfléchir sur soi et sur les autres, à se questionner sur les aléas de la vie; et 5) c’est un livre d’une rare intensité qui arrive à émouvoir parce qu’il sonne vrai.
Là où la pierre a franchement achoppé c’est 1) avec le style, décousu, brouillon, avec des sauts temporels; j’ai été plusieurs fois désorientée vu la quantité de personnages qui déferlent dans le roman ; 2) les intertitres m’ont agacé, non-nécessaires et parfois ne trouvant pas de rapport direct avec le texte; et 3) j’ai trouvé cette lecture un peu lourde, quoique riche. J’ai tenu jusqu’au bout pour me permettre une opinion, mais cela n’a pas été sans peine.
Ce roman fleuve de 600 pages narre une saga familiale sur 120 années et quelques générations, comportant quelques destinées tragiques. L’action se déroule en Islande, terre de paysages surnaturels au climat rude, avec une nature belle et sauvage pouvant influencer des personnages ayant des sentiments portés au paroxysme, des êtres humains souvent confrontés à des situations difficiles, en présence d’une forte spiritualité.
Le livre est traversé par des playlists de musique essentiellement nord-américaine du siècle dernier (jazz, pop, rock). On conçoit l’importance de la musique dans des contrées qui doivent subir un total isolement pendant de longs mois d’hiver. Cela doit faire partie de leur cadre de vie.
Quid de l’histoire ? : En 2020 le tourisme revient après la pandémie de la Covid et un homme, islandais, débarque amnésique dans un fjord de l’Ouest du pays; les gens le reconnaissent mais lui ne se rappelle de rien et jamais fera l’effort de demander aux gens qu’il croise, de le situer par rapport au récit. Le personnage écrira des pages et des pages sur ce que les gens lui racontent, sur la saga supposée de ses ancêtres. L’homme voudrait autant les sortir de l’oubli que de se refaire, au passage, une mémoire.(Cette affaire ne sera pas du tout élucidée dans le roman; peut-être que cet homme n’a servi que d’axe narratif…).
Dans le récit apparaissent des morts et des vivants, la limite entre les uns et les autres est floue. La filiation entre les uns et les autres est complexe, il y a pas mal de secrets de famille (ceci est universel). J’ai été surprise par des histoires d’amour assez violentes et « dès le premier regard », intenses, désespérées comme si ce pays du grand froid rendait les sentiments plus vifs, voire incontrôlables.
TON ABSENCE…, FolioN° 7169, 2023 (JKS 2020), ISBN 978-2-07-299197-4