Dieu, le temps, les hommes et les anges d’Olga Tokarczuk

Olga Tokarczuk est une femme de lettres polonaise (Basse Silésie 1962) couronnée par le Prix Nobel de littérature en 2018. Elle a une formation de psychologue mais depuis 1997 elle se consacre entièrement à l’écriture. Elle milite activement au parti Les Verts de Pologne depuis 2004.

On lui attribue un style fragmenté et des formes de récits assez originales, ce qui est le cas avec les trois livres que j’ai lu d’elle. Quelque soit son style et ses thèmes, son écriture est puissante et le contenu plutôt transcendant.

J’ai fait sa découverte avec le livre Sur les ossements des morts et ce fut un éblouissement, ce qui m’a reconcilié avec les critères d’attribution du prix Nobel : écriture élégante, transcendante, diversité des sujets, de l’ humanisme maté de philosophie et quelle empathie elle peut dégager! Sans oublier l’humour, un humour un peu ironique, même si le sujet est grave, cela surprend et détend.

Dieu, le temps, les hommes et les anges (1996) est son deuxième roman, un livre-fable, complexe, riche et allégorique sur le temps qui passe inexorablement, sur la Terre et les hommes. Ce serait sur des récits de sa grand mère qu’Olga Tokarczuk s’est appuyée pour écrire ce roman-fable.

Elle situe son histoire dans une contrée imaginaire de Pologne qu’elle place au centre de l’Univers et qu’elle nomme Antan, une bourgade délimitée par les 4 points cardinaux, chacun gardé par un Archange et deux rivières, la Noire et la Blanche qui vont s’unir pour donner la Rivière.

Antan pourrait être n’importe où ailleurs, mais elle est en Pologne et nous aurons droit, dans cette histoire, à l’essence même du slave occidental c’est à dire une âme  pour laquelle les notions de mysticisme, d’irrationalité, de démesure, d’abattement, et de la nostalgie, comptent.

À Antan nous suivrons plusieurs familles avec des personnages qui vont nous hanter longtemps, depuis la Première Guerre Mondiale jusqu’aux années 80 environ. Ces personnages vont naître, vivre et mourir à Antan, ils vont souffrir et jouir sous nos yeux, ils vont vivre comme ils le pourront puis un jour partir.

Le talent de cette écrivaine est unique pour enchaîner des histoires avec une riche palette de types humains, mais aussi des animaux, des plantes voire même des objets inanimés mais symboliques (cf le moulin à café, le Jeu des 8 pistes). On sent chez cette écrivaine polonaise qu’elle est très engagée dans la défense de la Nature et des animaux; elle a fait de la prison pour avoir émis sur un plateau de TV sa position contre la chasse et la maltraitance des animaux.

Pour moi il y a plusieurs lectures possibles de ce livre: nous avons une multitude de réflexions qui sont comme un sous bois aussi riche que celui d’une forêt où pullulent beaucoup de choses, ainsi que des idées qui sont difficiles d’appréhender de prime abord. Aussi quelle imagination que celle d’Olga Tokarczuk, quelle clairvoyance pour nous broder ses personnages archetypiques (aidée par sa formation de psychothérapeute, probablement) et nous faire sentir le temps qui passe inexorablement sur les êtres et les choses.

Un mot de félicitations pour l’exercice réussi du traducteur Christophe Glowovski.

Autre lecture riche et complexe de cette auteure polonaise si justement distinguée par un Nobel de littérature.

Autres livres commentés : Sur les ossements des morts . Histoires bizarroïdes .

DIEU, le temps…, Pavillons Robert Laffont 1998 (OT 1996), ISBN 2-221-08615-5

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