Journal d’Hirondelle d’Amélie Nothomb

Amélie Nothomb est le nom de plume de Fabienne Claire Nothomb, écrivaine belge (Etterbeek 1966) d’expression française. Elle aurait écrit plus de 80 romans, mais n’en aurait publié qu’un seul par an depuis 1992 (Hygiène de l’assassin). C’est une écrivaine prolifique aux habitudes bien connues : elle écrit entre 4 et 8 heures du matin, sur un cahier d’écolier et avec un Bic bleu. J’ai lu qu’elle aurait aussi la petite manie d’insérer dans chaque livre publié, le mot pneu. Je l’ai recherché dans cet ouvrage, il apparaît page 120.

J’avais lu seulement deux livres avant la création du blog:  Stupeurs et Tremblements (1999) un roman excellent sur le choc des cultures; le film d’Alain Corneau (2003) au titre éponyme est aussi excellent. Puis Ni d’Ève ni d’Adam (2007), une histoire d’amour entre une belge et un japonais qui va durer deux ans.

Journal d’Hirondelle (2006) est le 15è roman d’Amélie Nothomb, encore un Nothomb différent. C’est un roman d’apprentissage et je ne pense pas que ce sera mon préféré, même si je lui ai « trouvé du chien »: plutôt bien écrit, avec quelques phrases percutantes, très bref, avec un sujet border line traité avec le style nothombien : du cynisme, du culot, de l’humour noir et beaucoup d’ellipses et quelques métaphores…

Je pense qu’il ne faut pas lire ce livre au premier degré car on peut se retrouver écoeurée par tant de cynisme. Il faut le lire au deuxième degré et chercher ce que l’écrivaine ne dit pas ou ce qu’elle dit entre les lignes.

Car l’historiette qu’elle nous raconte pourrait sous entendre beaucoup de choses autour du sexe, jamais formulées mais latentes et lancinantes.

Un gars de 3O ans, coursier de son état va se retrouver au chômage et largué après une histoire d’amour. Amélie donne la parole à une voix masculine dans le texte et je ne sais pas si c’est une première pour elle. On ne connaitra pas le vrai prénom de notre gars coursier, mais il se fait appeler Urbain parce qu’il travaille en milieu urbain, c’est un fan de Radiohead et de viande froide (au propre comme au figuré). Après cette rupture sentimentale Urbain se retrouve anesthésié de tous ses sens et en particulier, totalement frigide.

Par hasard dans un bar il va tomber sur Youri, un russe qui va le recruter comme tueur à gages. Urbain a le profil idéal car il ne sent plus rien, il ne connait pas son commanditaire ni les futures victimes. Il tue avec succès et, cerise sur le gâteau, il ramasse une bonne paie. Après chaque meurtre il ressent très fort le réveil de sa libido.

C’est évident que Nothomb travaille sur du symbolisme parce que tant de meurtres ne déclenchent pas d’enquête. A partir de cette partie du récit, Urbain choisira de s’appeler Innocent.

Il recevra une commande spéciale : tuer un ministre et toute sa famille. Mais il se fait doubler par l’aînée du ministre qui en veut à son père pour avoir violé son espace intime, son journal, là où elle écrit sur ses sentiments, là où elle enlève son masque. Apparemment le commanditaire d’Innocent veut aussi récupérer ce journal. Les raisons ne seront jamais connues ni les explications données. Peu importe parce que nous sommes sur une histoire alambiquée où les personnages ne servent qu’à véhiculer des sentiments ou des sensations.

Innocent apercevra cette jeune femme un très court instant, mais suffisamment pour que ses sens s’enflamment. Il ne connait pas son prénom et il l’appellera Hirondelle, comme l’hirondelle venue mourir chez lui quelque temps auparavant. Il la tue mais garde le journal intime et se fera prendre par les sbires du commanditaire. Pour honorer le souhait de la trucidée, pour faire respecter son intimité, il avalera (difficilement et patiemment) toutes les pages compromettantes.

C’est dire qu’il s’auto condamne à mort. Il ne pourra pas échapper à une constipation majeure, fatale avec tout ce papier avalé. Je cite…C’est une histoire d’amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou. Avec Hirondelle, l’histoire avait mal commencé, mais elle se termine au mieux puisqu’elle ne finit pas. Je meurs de l’avoir mangée, elle me tue dans mon ventre, en douceur, d’un mal aussi efficace que discret. Je trépasse main dans sa main puisque j’écris : l’écriture est le lieu où je suis tombé amoureux d’elle. Ce texte s’arrêtera au moment exact de ma mort.

Un livre quelque peu dérangeant, pour amateurs d’écriture différente, tortueuse, réflexive, étrange, complexe.

Autres livres commentés : Frappe toi le coeurPremier sang, Les aérostats .

JOURNAL D’HIRONDELLE, Albin Michel 2006, ISBN 2-226-17335-8

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