La nostalgie heureuse d’Amélie Nothomb

Amélie Nothomb est le nom de plume de Fabienne Claire Nothomb, écrivaine belge (Etterbeek 1966) d’expression française. Elle aurait écrit plus de 80 romans, mais n’en aurait publié qu’un seul par an depuis 1992 (Hygiène de l’assassin). C’est une écrivaine prolifique aux habitudes bien connues : elle écrit entre 4 et 8 heures du matin, sur un cahier d’écolier et avec un Bic bleu.

J’avais lu seulement deux livres avant la création du blog:  Stupeurs et Tremblements (1999) un roman excellent sur le choc des cultures; le film d’Alain Corneau (2003) au titre éponyme est aussi excellent. Puis Ni d’Ève ni d’Adam (2007), une histoire d’amour entre une belge et un japonais qui va durer deux ans.

J’aime bien déguster de temps en temps un Nothomb, car je trouve que c’est une auteure originale, les thèmes traités sont d’une grande versatilité, son écriture est assez personnelle avec des manies: le mot pneu qu’il faut essayer de trouver, glissé dans le texte, un vocabulaire par moments assez recherché ce qui ajoute une note érudite. Je crois aussi qu’il faut lire ses romans au deuxième degré car ils véhiculent pas mal d’auto fiction. Somme toute je retrouve une certaine fraîcheur dans ses courts romans.

La nostalgie heureuse (2013) m’a plu par les torrents d’émotions qu’il charrie et que l’écrivaine sait exprimer sur le papier.

C’est une entreprise téméraire qu’elle a réalisé : à l’occasion d’un voyage au Japon proposé par une chaine de TV française, après la parution de Métaphysique des tubes (2002), A. Nothomb a accepté qu’on la filme à divers endroits et avec certaines personnes de sa connaissance. Elle restera 6 jours à Kobe où elle vécut enfant et 3 jours à Tokyo. Deux personnes ont une grande importance pour elle.

La première est son ancienne nounou japonaise Nishio-san qu’elle a tellement aimé et qu’elle va retrouver une vingtaine d’années après. Le reflux d’émotions qu’elle éprouve en la rejoignant…et cette impossibilité de communiquer librement. Amélie n’a plus le niveau de japonais lui permettant de partager lieux et souvenirs. Mais l’affect est là et malgré les années passées elles ressentent une émotion intense.

L’autre personne concerne les retrouvailles seize ans après, avec un ancien petit ami japonais, Rinri, avec qui elle a vécu deux années. Elle réussit à le localiser dans cette grande urbe qui est Tokyo et il accepte de la revoir. Il est marié, apparemment avec une française, mais refuse la confrontation avec son épouse et sa fille. Amélie a une véritable crise de panique à l’idée de l’affronter…car elle culpabilise de l’avoir quitté abruptement et d’avoir écrit un livre sur leur amour passée (Ni d’Ève ni d’Adam), ce qui la met très mal à l’aise.

Très intéressant ce travail sur la mémoire, sur la sélectivité de nos souvenirs, sur la distorsion inéluctable d’une réalité « accommodée » à la sauce de chacun, afin d’embellir inconsciemment nos souvenirs.

Je trouve que l’écrivaine a bien réussi à nous faire vivre ce flot d’émotions et de sensations qui découlent du temps passé et de la thésaurisation des souvenirs. Cela donne la nostalgie heureuse, seule nostalgie que connaissent les japonais.

Je me pose la question suivante : le Japon et Amélie-san ont visiblement un lien très fort. Elle semble toujours fascinée par ce pays, alors pour quoi elle ne s’est pas appliquée à maintenir ou approfondir la langue pour garder les ponts avec le Japon?

Bonne lecture, baignant dans l’émotion.

Autres livres commentés : Frappe toi le coeur . Premier sang . Les aérostats . Journal d’Hirondelle . Le livre des soeurs .

LA NOSTALGIE…, Albin Michel 2013, ISBN 978-2226-24968-5

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