Pentalogie L’ombre du chardon d’Aki Shimazaki

Aki Shimazaki est une écrivaine québécoise d’origine japonaise (Gifu 1954), immigrée au Canada depuis 1981 et qui écrit ses livres directement en français. Tous ses livres portent un nom en japonais. Son écriture est très aérienne, dépourvue de toute surcharge et d’une grande délicatesse.

Elle écrit des cycles romanesques, des pentalogies comportant des livres d’environ 150 pages où les histoires peuvent s’entrecroiser. Dans ce blog j’ai commenté sa première pentalogie Le poids des secrets en avril 2012, quatre parmi les cinq livres de la pentalogie ont reçu un prix au Canada. La deuxième pentalogie Au coeur du Yamato fut commentée en août 2012; aussi deux livres ont reçu un prix dont le charmant Prix de l’Algue d’Or de Saint Briac qui recompense un auteur dont la langue maternelle n’est pas le français, mais qui écrit en français. En ce qui concerne Madame Shamazaki c’est d’autant plus remarquable qu’elle a appris le français étant adulte et en autodidacte.

L’ombre du chardon est le 3ème cycle des pentalogies de Mme Shimazaki dont dans l’ordre : Azami, Hôzuki, Suisen, Fuki-no-tô et Maïmaï.

AZAMI (1)

Azami - Aki Shimazaki - Babelio

C’est une histoire triste, mélancolique. Le narrateur est Mitsuo marié avec Atsuko, il est redacteur dans une revue.

Par hasard il va rencontrer un ancien camarade de classe, Kida, devenu PDG d’une entreprise familiale de spiritueux, simplement parce qu’il était le fils du patron. Il tient à organiser, chaque année, une rencontre avec les anciens de son école, réunion à laquelle Mitsuo ne participe jamais. Kida le relance et il souhaite qu’ils se revoient dans un bar sélect pour boire un coup. Á cette occasion Mitsuo reverra Mitsuko, une autre camarade de classe alors très prometteuse, devenue entraîneuse de bar et serveuse dans une caféteria. Mitsuo était amoureux de Mitsuko à 13 ans et vingt ans plus tard, il la trouve toujours aussi belle et mystérieuse.

Mitsuo est marié et aime sa femme, mais ils forment un couple sex-less, comme tant d’autres (après le premier enfant beaucoup de couples n’auraient plus de rapports sexuels). Sa misère sexuelle Mitsuo la soulage dans des endroits dédiés aux cas comme le sien.

Mitsuo et Mitsuko deviendront amants et seront très épris l’un de l’autre jusqu’au jour où Mitsuo devra faire un choix : perdre sa femme et son emploi ou continuer cette relation avec Mitsuko.

Azami est le nom de la fleur du chardon et dans le langage des fleurs, azami symbolise « l’indépendance », « ne me touche pas » ou « la vengeance ».

L’histoire est triste et intéressante car elle soulève les cas des mariages sex-less qui seraient nombreux notamment au Japon.

AZAMI, Actes Sud 2014, ISBN 978-2-330-03819-9

HÔZUKI (2)

Une histoire prenante qui démarre avec un personnage déjà paru dans Azami, Mitsuko; jeune femme mystérieuse qui fut la maîtresse de Mitsuo, le journaliste qui a déménagé du jour au lendemain lorsqu’il a dû choisir entre sa femme et sa  maîtresse.

Mitsuko quant à elle, a déménagé dans une petite ville où elle vit avec sa mère et son fils sourd-muet, Tarô, aujourd’hui âgé de 7 ans.

Mitsuko gère une librairie de livres d’occasion, assez réputée et spécialisée dans les livres de philosophie et autres topiques. Mais ses gains ne suffisent pas pour payer l’école spécialisée que nécessite Tarô et elle continue de travailler les vendredis soir comme entraîneuse dans le même bar chic où elle gagne, en un soir, la somme qu’elle récolte dans un mois à la librairie. Elle ne se prostitue plus.

Elle mène en somme une double vie assez réussie; elle ne manque pas de prétendants, mais c’est une femme exigeante à l’abord difficile. elle s’estime assez heureuse comme cela.

Jusqu’au jour où elle fera la connaissance de Madame Sato et de sa fille Hanako, venues à la librairie commander quelques ouvrages pour le mari, de Mme Sato diplomate en poste depuis peu en Belgique. De fil en aiguille les deux femmes feront connaissance et une terrible vérité éclatera au grand jour.

Le titre, Hôzuki, est une nouvelle fois plein de symbolismes : hôzuki ou physalis avec son fruit orangé vif symbolise, dans le langage des fleurs, le « mensonge ». Car dans cette histoire il y a beaucoup de mensonges.

HÔZUKI, Actes Sud 2015,  ISBN 978-2-7609-1282-3

SUISEN (3)

Dans cette histoire l’écrivaine reprend le personnage de Monsieur Kida lequel avait fait une apparition dans Azami avec l’histoire de Mitsuo, un ancien camarade d’école de Kida. Il se trouve que Kida est devenu PDG de l’entreprise familiale de boissons (import-export de liqueurs prestigieuses+ whisky local), à la suite du décès de son père.Kida est très infatué de sa personne et il pense que parce qu’il a énormément d’entregent, c’est une lumière pour l’entreprise, ce qui n’est pas du tout l’opinion de gens qui travaillent avec lui.

C’est Kida qui organise chaque année une rencontre avec les anciens camarades d’école, rencontres que Mitsuo, devenu journaliste et Mitsuko, devenue entraineuse de bar ne fréquentent jamais.

Apprenant que Mitsuo a une liaison avec Mitsuko, il s’arrange pour le dénoncer et à la fin d’Azami, le couple se sépare.

Kida adore être en représentation et recherche toutes les occasions pour y pavaner. Il est marié depuis plus de 20 ans avec une femme soumise qui le laisse mener une vie galante sans jamais se plaindre. Mais Kida n’est pas homme d’une seule maitresse, il lui en faut au moins deux en même temps. Aussi il en change souvent.

Les années passent, ses enfants grandissent et il se voit déjà actionnaire majoritaire avec les parts détenues par sa belle mère, aujourd’hui âgée de plus de 80 ans.

Kida aura une énorme surprise, il ira de déconvenue en déconvenue pour le plus grand plaisir du lecteur.

Mais derrière cette façade Kida cache une vraie détresse, ayant perdu sa mère lorsqu’il avait 3 ans, son père s’est remarié assez vite et a eu une fille de sa deuxième femme. Une fille intelligente, travailleuse et qui fera un mariage d’amour avec un ingénieur chimiste, intelligent, sérieux et travailleur aussi. Le couple travaille dans l’entreprise familiale et ce sont eux qui apportent des changements en améliorant les rendements; de plus, ils sont très appréciés par le personnel. Kida ne fait que parader et soigner les relations commerciales.

Un conte joli et cruel narré de façon parfaite.

SUISEN, Actes Sud 2016, ISBN 978-2-330-07212-4

FUKI-NO-TÔ (4)

Ce court roman reprend le couple formé par Mitsuo et Atsuko qui battait de l’aile dans le premier tome de la pentalogie Azami, où Mitsuo avait retrouvé une ancienne camarade de classe avec laquelle il avait eu une liaison, mais ne voulant pas compromettre son mariage, il avait rompu et quitté son lieu de travail pour s’installer à la campagne avec son épouse et leur fils.

Mitsuo et Atsuko vont bien s’entendre pendant quelques années, jusqu’à ce que Atsuko retrouve à son tour une ancienne amie avec laquelle elle avait ressentie une forte attraction. Cette amie vient de divorcer après des années de mariage parce qu’elle n’aimait pas son mari.

L'Ombre du ChardonFuki-no-tô

Cette fois Atsuko admettra une attirance et la vivra pleinement, tout en disant la vérité à son mari et ayant clairement la notion de tabou car elle ne pourra jamais l’afficher ouvertement. Les convenances doivent être respectées au Japon.

La fin est triste et joyeuse en même temps, réaliste car si Atsuko va peiner son mari (qui l’avait trahi une fois), elle pourra affronter la vie avec un peu de bonheur.

J’ai trouvé cette histoire d’un modernisme absolu et j’ai du mal à l’intégrer dans le cadre social du Japon.

Et comme toujours avec l’écrivaine, un choix délicat d’une plante avec toute une symbolique au Japon. Cette fois nous avons en couverture une fleur de Pétasite, plante de la famille des Asteraceæ.

FUKI-NO-TÔ, Actes Sud 2017, ISBN 978-2-330-15359-5

MAÏMAï (5)

Nous reprenons plusieurs années après, le personnage de Mitsuko, la libraire, et de son fils Tarô, sourd-muet de naissance,  devenu un peintre reconnu et qui commence à bien vendre ses oeuvres. Il sera dans ce tome obligé de se rapprocher de sa grand mère maternelle, qu’il adore, suite à un évènement tragique. Comme c’est un très beau garçon, Tarô travaille aussi comme mannequin où il a connu Mina. Les deux jeunes sont maintenant fiancés.

 

undefined

Tarô va revoir une ancienne amie d’enfance, Hanako, la fille de Madame Sato devenue assistante sociale; les parents de Hanako résident toujours à l’étranger car le père est diplomate. Tarô et Hanako seront immédiatement attirés l’un vers l’autre.

 

Cette fois, je n’ai pas adhéré à l’histoire narrée par Madame Shimazaki car la situation m’a paru par trop « cliché », peu crédible. Et ce personnage si parfait de Tarô m’a semblé faible car il faisait trop facilement un transfert entre Mitsuko et Madame Sato.

Le symbolisme dans ce titre est maïmaï, le mot japonais pour escargot qui trimballe toute sa vie sa maison avec lui, comme un fardeau. Or ici, il est fortement question de fardeau.

Oui, c’est la première fois qu’une histoire d’Aki Shimazaki me laisse quelque peu insatisfaite.

Autres livres commentés : 1er cycle Le poids des secrets (Tsubaki, Hamaguri, Tsubame, Wasurenagusa, Hotaru); 2è cycle Au coeur du Yamato (Mitsuba, Zakuro, Tonbo, Tsukushi, Yamabuki); 3è cycle L’ombre du chardon (Azami, Hôzuki, Suisen, Fuki-no-tô, Maïmaï) 4è cycle en cours (Suzuran, Sémi)

MAÏMAÏ, Actes Sud 2018, ISBN 978-2-330-11607-1

Laisser un commentaire