Couleurs de l’incendie (2) de Pierre Lemaitre

 

Pierre Lemaître est un scénariste et romancier français (Paris 1951) avec une formation de psychologue; il connait un grand succès depuis le Prix Goncourt  2013 avec un roman noir picaresque Au revoir là haut (2013) qui fera partie de la trilogie Les enfants du désastre, avec Couleurs de l’incendie (2018) et Miroir de nos peines (2020) . En dehors du prestigieux Goncourt, ce livre a reçu une huitaine d’autres prix,  un beau et mérité succès. Les livres de Lemaitre sont en cours de traduction dans plus de trente langues.  Et ses polars ont été primés plusieurs fois . Il vit de sa plume depuis 2006.

Tous les livres de Pierre Lemaitre ont été commentés dans ce blog; aucun ne m’a déçu et j’aime son style assez particulier, entre ironie et drôlerie avec un sens inné de la trouvaille et des phrases qui font mouche.

Le premier tome de la trilogie Au revoir là haut (2013) fût d’une lecture éblouissante; un très bon film est sorti en 2017 avec  Albert Dupontel comme réalisateur, film qui a reçu le César de la meilleure adaptation ainsi que d’autres nominations. Il vient de sortir (2022) un film franco-belge, au titre éponyme et dirigé par Clovis Cornillac, un film excellent, proche du livre car Pierre Lemaitre en est resté très impliqué. Je pense que d’avoir lu le livre auparavant apporte plus de compréhension à cette trame très riche.

Couleurs de l’incendie est un vrai page-turner car la lecture vous happe dès la première page avec des personnages solidement bâtis. Cette fois nous suivrons les tribulations de Madeleine Péricourt la seule héritière du milliardaire Marcel Péricourt et dont le frère, Edouard, une « gueule-cassée » de la guerre 14-18 connaitra une fin dramatique à la fin du premier tome.

Dans le premier tome Madeleine avait épousé l’affreux Henri d’Aulnay-Pradelle, homme d’affaires véreux  avec lequel elle aura un fils, Paul. Au moment de la narration le corrompu Pradelle croupit en prison. Jusque là, Madeleine Péricourt avait été gâtée par la vie, ne s’intéressant à rien dans les affaires de son père ni s’occupant de son fils Paul non plus. Or, le petit Paul est laissé dans les mains d’un répétiteur qui l’instruit à domicile. À la mort du patriarche, son fondé de pouvoir, Gustave Joubert, centralien de formation aura des vues sur l’esseulée Madeleine, qui le voit toujours comme un subalterne.

Nous sommes dans la post guerre 14-18 et les magouilles vont bon train, que ce soit au niveau industriel ou au niveau politique (déjà). Les impôts accablent ceux qui en payent (déjà!). Puis le krach boursier de 1929 arrive et beaucoup de fortunes se défont. Mais il n’y a pas que Henri Pradelle comme ripou, car Charles Péricourt, frère de feu Marcel Péricourt, est un parlementaire retors et vénal, président d’une commission parlementaire chargée de la lutte contre l’évasion fiscale ! (Comment ne pas penser à des affaires plus récentes et vite enterrées).

Voilà Madeleine Péricourt dans la panade avec des déboires personnels (le fils) et « l’aspiration » de sa fortune par des délits d’initiés. Cette femme déclassée fera face d’une drôle de façon, pour le moins inattendue de la part d’une femme si veule jusque là et se fera aider par un ancien employé de son ex mari. La vengeance est un plat qui se mange froid… nous en avons ici un bel exemple.

Les personnages de Lemaitre sont parfaits et profondément esquissés, c’est un régal que de les suivre dans leurs péripéties. Mais vers la page 300 j’ai ressenti un certain relâchement, vite repris dans la partie finale du livre. J’ai trouvé aussi que la relation de Madeleine avec Léonce sonnait faux car comment faire confiance à une femme prête à tout pour avoir de l’argent sans aucun jugement moral sur ses actions ? Est-ce que la trame de l’histoire nécessitait des accointances solides entre ces deux femmes si distinctes ? Puis ce petit Paul, accablé de tous les maux devient presque normal, à la fin du livre…Malgré ces quelques points faibles, quel souffle romanesque, quel entrain. Une bonne et distrayante lecture, à quand le film ?

Le titre du roman se retrouve dans deux passages. Page 299 au déclenchement d’un incendie…parce que les lueurs de l’incendie se virent depuis la route au moment où ils reprenaient le chemin vers Paris…Aussi page 383, en pleine révolte nationale contre l’impôt (1933)… le gouvernement observait avec inquiétude les couleurs de cet incendie qui gagnait sans cesse du terrain…

Autres livres commentés : Alex, Robe de marié, Sacrifices, Rosy & John, Travail soigné, Trois jours et une vie, Au revoir là haut, Cadres noirs, Miroir de nos peines, Le serpent majuscule, Le grand Monde.

Couleurs de l'incendie - film 2022 - AlloCiné

COULEURS DE L’INCENDIE, Livre de Poche N° 35288 (PL 2018),  ISBN 978-2-253-10041-6

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