En attendant le jour de Michael Connelly

Move over Harry Bosch: Michael Connelly's new detective lights up 'The Late  Show' - Chicago Tribune

Michael Connelly est un très grand auteur de polars nord-américain (Philadelphie 1956) ; c’est le « père »  du  détective de LAPD Hieronymus Bosch, alias Harry Bosch, que j’affectionne particulièrement parce que sa personnalité taciturne me plait. Connelly est un écrivain très prolifique avec une publication par an et parfois jusqu’à deux !  Je crois qu’à la date d’aujourd’hui il arrive à plus de 40 publications depuis 1992.

La série pour la TV Bosch (5 saisons) a été aussi une agréable découverte sur Amazon Prime avec des visages à mettre sur des personnages récurrents et un Harry Bosch plus vrai que nature dans la personne du comédien Titus Welliver que je ne connaissais pas et que maintenant je ne peux plus dissocier de mon imaginaire.

En attendant le jour (The late show 2017) est le premier tome avec l’inspectrice de LAPD Renée Ballard, mais il y a déjà deux autres tomes publiés : Nuit sombre et sacrée (2018) et le dernier The Night Fire (2019) non encore traduit au français.

J’ai beaucoup apprécié En attendant le jour car il m’a tenu en haleine pendant un bon moment. Une drôle de nana cette Renée Ballard, presque un clone de Harry Bosch : farouche, têtue, téméraire, solitaire, carrée,  et ne respectant pas la hiérarchie si cela va à l’encontre de ses convictions. Et tout cela avec la carrure d’une petite bonne femme d’à peine 54 kilos en 1m60,  très soignée de sa personne. En revanche, je la trouve beaucoup plus réflexive, voire intelligente que mon cher Harry Bosch. J’ai recherché tout au long du récit l’apparition de Harry Bosch… Je me disais qu’on allait au moins le mentionner au détour d’un chapitre, le voir surgir au fond d’un couloir, mais non, il faudra attendre la lecture de Nuit sombre et sacrée pour connaître les détails de la rencontre de deux héros de cette trempe. Je sens que cela va faire des étincelles (et ils seront capables de déclencher un incendie à tous les deux !).

L’intrigue policière dans ce livre est multiple et trépidante : un simple vol de carte d’identité avec ses suites, le quasi assassinat d’un transsexuel et une tuerie dans un dancing. trois enquêtes qui ont bouleversé Renée Ballard pendant ses rondes nocturnes (23h-7h). Car la pauvre Renée, pour avoir osé accuser un supérieur d’harcèlement sexuel cinq ans en arrière quand elle travaillait pour les Homicides Spéciaux; après cette affaire qui avait fait beaucoup de bruit, elle s’est vue reléguée au placard des rondes de nuit  du Commissariat de Hollywood avec un co-équipier plus que mollasson (mais il a une excuse valable). La plainte avait été rapidement classée car l’équipier d’alors, avait refusé de plaider en faveur de Renée (il était témoin direct). C’est un affront de première parce que la policière est brillante, teigneuse, elle ne compte pas ni son temps ni sa peine (comme Harry); mais elle est pire que Harry car elle n’a pas de domicile personnel et vivote en dormant à droite et à gauche (souvent au commissariat où ils ont une chambre à lits superposés pour les agents qui sont en limite du burn-out). Elle est trempée dans de l’acier cette inspectrice, car parfois elle dort 3-4 heures et s’oblige à continuer son chemin semé d’épines. On sent bien que la hiérarchie n’attend qu’un faux pas pour l’éjecter.

Elle sera infatigable et juste dans la résolution de ses cas. Le plus souvent en quémandant de s’occuper d’une partie de l’investigation car elle n’a pas droit aux dossiers, mais la pression médiatique est telle que la hiérarchie va accepter qu’elle s’occupe de certains aspects.

Le cas de la tuerie dans le dancing est incroyable dans ses ramifications, inimaginable; loin de moi de spoiler le moindre détail pour ne pas enlever ne serait-ce qu’un iota de l’intérêt de cette bonne intrigue. Dans le cas de la mise à mort du transsexuel il y a une scène d’anthologie où le lecteur se met en apnée tellement le suspense est de première classe. Dans le cas de la tuerie du dancing il y a aussi une scène lors de la résolution du cas qui est aussi fort intéressante car elle implique des choses importantes et cela paraît incroyable.

J’ai été choquée par la sévérité, à l’intérieur de la Police de LAPD pour juger l’action d’un policier qui tue en legitime défense. C’est tout juste si on ne l’accuse pas et à priori de quelque chose alors que la vie de deux personnes a été menacée et que l’assassin était à deux doigts de commettre un exploit « sans faute ». La lourdeur et la mauvaise foi du système interne m’ont paru manifestes et il a fallu que Renée Ballard use de la ruse pour alléger sa peine. Incroyable. On dirait qu’au lieu de crier à l’acte héroïque, la hiérarchie est plus prête à faire graver la plaque commémorative pour « mort sur le terrain ». Franchement il y a de quoi dégoûter de devenir policier.

Renée Ballard et Hieronymus Bosch ont en commun d’avoir un passé difficile, un passé qui les a marqués au fer rouge : la mère de Harry Bosch était prostituée et fût assassinée; c’est un crime que Harry va élucider plus de 40 années après alors que la hiérarchie fait tout son possible pour l’entraver. Quant à Renée, elle a vu son père se noyer sous ses yeux en faisant du surf, sa mère l’a abandonnée et elle a été recueillie par sa grand mère paternelle qui vit dans une petite bourgade californienne que Renée donne comme domicile fixe.

La ville de Hollywood est assez bien décrite et le tableau est plutôt dur pour les habitants quand vous sortez du monde du bling bling. Ainsi, page 81 Connelly décrit les heures de pointe…telle une armée, les employés des industries de service se traînaient d’est en ouest pour rejoindre leurs boulots payés au salaire minimal, voire en dessous, dans les hôtels et les restaurants de quartiers où ils n’auraient jamais pu se payer le luxe d’habiter.

Autres livres commentés : La lune était noire, Le cinquième témoin, Mariachi Plaza, Le dernier coyote, Deuil interdit, Wonderland Avenue, Les neufs dragons, Jusqu’à l’impensable, Sur un mauvais adieu, Nuit sombre et sacrée, À genoux.

EN ATTENDANT LE JOUR, Calmann Levy Noir 2019 (MC 2017),  ISBN 978-2-7021-5693-3

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