Manderley for ever de Tatiana de Rosnay

Afficher l'image d'origineTatiana de Rosnay est un écrivain, journaliste et scénariste franco-britannique (France 1961 ),  qui peut écrire directement en français ou en anglais; au moins trois de ses livres ont été publiés d’abord en anglais. Elle connaît un  franc succès à partir de 2007 avec le roman  » Sarah’s key » traduit en français par  « Elle s’appelait Sarah » dont on a tiré le beau film homonyme de Gilles Paquet-Brenner en 2010.

Tatiana de Rosnay  a un beau palmarès, jugez plutôt : huitième écrivain français le plus lu en Europe en 2010 et cinquième auteur français le plus lu en 2011.

Je l’ apprécie  car son style est  direct, sans fioritures et elle sait aller au fond des choses. Manderley for ever est le sixième livre d’elle commenté dans ce blog.

Pour l’écriture de Manderley for ever, Tatiana de Rosnay a changé de style , passant d’une écriture  épurée et  directe, a un style beaucoup plus ampoulé, plus touffu, plus fouillé, ce qui convient bien a la biographie. Cette biographie de Daphné du Maurier est foisonnante de détails sur sa vie intime et sur les lieux  et les atmosphères qu’elle a fréquentés. C’est un livre que j’ai beaucoup apprécié, même si je l’ai trouvé  un peu long vers la fin. Il me semble avoir débusqué un point très fort en commun  entre Daphné du Maurier et Tatiana de Rosnay : la fascination qu’éprouvent toutes les deux pour les lieux, les endroits clos: les maisons pour du Maurier et les appartements pour de Rosnay.

Grâce au livre de Tatiana de Rosnay, j’ai découvert un écrivain dont le livre phare, Rebecca, m’avait fait grande impression  il y a quelques années. Le film tiré du livre en 1940 par Hitchcock est aussi bien quoique un peu éloigné du texte. Je  garde en mémoire une impression d’étrangeté, de malaise.

Daphné du Maurier a eu une vie très riche, menée tambour battant et à sa façon; on peut dire aussi qu’elle a mené une vie très libre pour l’époque et surtout pour son milieu social.

Ce qui frappe tout d’abord est l’importance primordiale que du Maurier attache aux maisons qu’elle a habitées, avec un lot de sensations qu’elle perçoit à l’intérieur des murs et aussi dehors chez cette femme très sportive qui aimait naviguer, ou effectuer de longues marches à l’allure athlétique. Elle avait un besoin viscéral de sensations pour entourer ses histoires. Autre détail frappant chez Daphné du Maurier est le besoin de passion, un maelstrom de sensations, nécessaire  pour créer, pour démarrer une fiction. (Ce qui me rappelle aussi que le poète Pablo Neruda avait besoin de cette même exaltation des sens pour écrire ses vers).

Daphné du Maurier était une personne excessivement timide, mais qui pouvait aller  jusqu’au bout de ses pulsions parce qu’en fait elle avait une forte personnalité. Mais cette personnalité était double: d’une part une belle et svelte jeune femme, un peu froide et distante et dans son for intérieur  un être  qu’elle avait baptisé Éric Avon et qui correspondait à son alter ego masculin. Daphné était la fille préférée de son père, lequel n’avait jamais caché qu’il aurait préféré avoir un fils.

C’était une famille très bohème et fantasque du côté des Maurier, à commencer par le grand père Kiki du Maurier, écrivain assez connu qui s’était inventé des ancêtres nobles alors que le vrai nom de la famille était simplement Busson (du lieu dit Le Maurier). Puis il y eut Gérald du Maurier, le père de Daphné, un acteur de théâtre très célèbre et adulé par les femmes; Gérald épousa une actrice Muriel Beaumont qui se consacra par la suite à son rôle de mère et de maitresse de maison chez les du Maurier qui menaient grand train à Londres. Le ménage eut trois filles : Angela l’aînée, écrivain sans succès, Daphné et Jeanne, peintre. Seule Daphné se mariera en grande pompe avec Frederick Browning, beau militaire de très bonne famille. Ils auront trois enfants: Tessa, Flavia et Kits, ce dernier étant les yeux de sa mère.

Les maisons vont jouer un rôle important tout le long de sa vie. D’abord les maisons des parents : Cumberland Terrace où elle est née ( au 24) puis Cannon Hall à Hampstead où la timide Daphné se cachait pour lire et avait du mal à éviter les incessantes mondanités des parents. Vint ensuite la maison de campagne que les parents achetèrent en 1926 à Fowey et qu’ils baptisèrent Ferryside. Cette maison va jouer un rôle important dans l’atmosphère créative de Daphné. Au cours de promenades elle fera la découverte d’une maison isolée et très romanesque qui va devenir une véritable obsession :Menabilly dans le Cornouailles. Daphné n’aura  de cesse que d’obtenir cette maison en location car le propriétaire ne vend pas. Ainsi elle réussira à obtenir, sous certaines conditions, un bail de longue durée; elle aménagera cette maison à son goût et ne voudra plus la quitter, c’est là qu’elle aime écrire. Lorsque le bail  viendra à expiration, plus de vingt ans plus tard; le propriétaire lui louera une autre maison, dénommée Kilmarth, dans le même secteur, maison qu’elle aménagera aussi à son goût et où elle finira ses jours.

La vie affective de Daphné sera riche mais compliquée. On peut dire que après avoir souhaité ardemment épouser Tommy Browning et avoir eu de lui trois magnifiques enfants, elle s’est détachée de lui et le couple sera brisé. Tommy Browning occupait des postes de plus en plus importants au sein de Buckingham Palace, mais il a du faire face seul. Daphné est restée dans sa maison où elle menait une vie créative, mais aussi faisait des voyages et des rencontres loin de son mari. Elle s’est entiché plusieurs fois de femmes très féminines et séduisantes, mais le sentiment n’a pas été toujours réciproque; elle a connu parfois une dépression grave après des amours non abouties.

Un personnage hors du commun que cette Daphné du Maurier. Il n’y a qu’à regarder la photo qui orne la couverture du livre : Daphné dans l’éclat de sa jeunesse, une cigarette au bec avec un air de défi souverain.

J’ai beaucoup apprécié les courts chapitres introductifs de Tatiana de Rosnay qui est partie en pèlerinage visiter tous ces  lieux hantés par Daphné du Maurier  où elle nous raconte ses impressions sur le vif. J’ai apprécié retrouver page 170 un mot dans le livre que je trouve exquis et peu usité, le mot procrastination, tellement adéquat dans ce contexte !

Un grand merci à mon amie Christiane N. pour ce superbe cadeau !

Autres livres commentés : Sentinelle de la pluie, L’envers du décor, A l’encre russe, Partition amoureuse, Son carnet rouge, Café Lowendal, Spirales, Amsterdamnation, Le coeur d’une autre.

MANDERLEY, Albin Michel-Héloïse d’Ormesson 2015, ISBN 978-2-226-31476-5

Une réflexion sur “Manderley for ever de Tatiana de Rosnay

  1. J’ai trouvé fort intéressante cette biographie de Daphné du Maurier, très détaillée et bien documentée, même si elle présente quelques longueurs dans les derniers chapitres.
    Merci pour le prêt de ce livre dont j’apprécie l’auteur tout particulièrement.

Laisser un commentaire