Des Éclairs de Jean Echenoz

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Jean Echenoz est un écrivain français (Orange 1947) qui a fait des études de Sociologie et de Génie civil. On vient de lui décerner le huitième Prix BnF (2016) pour l’ensemble de son oeuvre. Sa technique d’écriture est particulière car il alterne les figures de style, les jeux de mots, l’ambiguïté et use d’un symbolisme autour des noms propres de personnages. On dit aussi qu’il écrit des romans géographiques car on voyage beaucoup en le lisant. Il a su décaler son univers romanesque vers la sotie ou vers les récits excentriques à la façon d’un Sterne ou d’un Diderot, d’un Perec ou d’un Queneau. C’est un romancier inventif, un champion de la toponymie, un « nouveau romancier » mais pas  un romancier nouveau.

C’est le sixième livre d’Echenoz dans ce blog, la lecture a été toujours un plaisir renouvelé, car ses sujets varient beaucoup.

Je commence à lui trouver une petite ressemblance avec Jean-Paul Dubois, tous les deux très éclectiques et pince-sans-rire, avec une petite nuance il me semble : Dubois approfondit un peu plus la psychologie de ses personnages. Je les apprécie énormément tous les deux.

Des Éclairs (2010) est le dernier volet du cycle romanesque de 3 vies : une biographie basée sur la vie de l’ingénieur serbo-croate Nikola Tesla et le troisième après Ravel (2006) et Courir (2008) (sur le coureur tchèque Emil Zátopek). Je n’ai pas lu ni le premier ni le deuxième mais le troisième m’a intéressé à cause du nom Tesla porté par la voiture Tesla Model 3 que j’ai eu la chance d’essayer aux USA. Étonnante voiture. Et ce nom, qui a été invoqué par le propriétaire de la voiture a piqué ma curiosité, je ne savais rien sur lui.

Mais attention, le lecteur est prévenu par le romancier, il s’agit d’une « fiction sans scrupules biographiques » ! Et pour commencer, Jean Echenoz l’a prénommé Gregor tout court à la place de Nikola.

Nikola Tesla est né au sein de l’empire austro-hongrois, en terre croate bien que de famille serbe en 1856  et il est mort en 1943 à New York. Il a été très tôt brillant et a initié des études d’ingénieur, jamais achevées pour des raisons d’argent. Il n’empêche qu’il a été très tôt repéré et a pu partir aux USA directement dans le laboratoire de Thomas A Edison, patron de la General Electric qui l’a mal utilisé. Ensuite, il a atterri chez Georges Westinghouse, patron de la Western Union, éternel rival d’Edison et richissime homme d’affaires qui va le prendre sous son aile pour aussi l’exploiter et, notamment devenir encore plus riche grâce aux retombées de l’application du courant alternatif développé par Tesla. Les épisodes où Edison essaie de se venger de Tesla sont d’un comique supérieur notamment la supposée invention de la chaise électrique par un coup de marketing publicitaire absolument génial.

Mais ce Tesla était un homme hors du commun, au physique comme au mental. Au plan physique, il mesurait 2 mètres et il était très bel homme. Au mental, c’était une intelligence supérieure, polyglotte, ayant le don de l’éloquence voire du baratin, inventeur-né mais un peu fou en plus d’antipathique, maniaque, mauvais caractère, asexué et dépensier. Aujourd’hui on le qualifierait de sociopathe (mais c’est le sort inéluctable de tout vrai génie, non?).

Il fût un inventeur incroyable, un concepteur du courant alternatif, un précurseur du tout électrique mais un piètre homme d’affaires. Il a déposé quelques 300 brevets, mais mal défendus et il se les a fait voler. On l’a traité de génie mais aussi d’imposteur car il excellait à parader et montait des numéros pour l’épate, dignes d’un cirque et loin de la science pure.

Il était bourré de manies et de phobies comme l’aversion aux microbes. Mais il était fasciné par les oiseaux et notamment par les pigeons qu’il nourrissait, chérissait, soignait.

Le livre fourmille d’anecdotes, de nature scientifique ou tout à fait pédestres. Celle qui m’a fait le plus fait rire mais en même temps presque pleurer de compassion, c’était lorsqu’il tombe amoureux d’une pigeonne, assez racée mais pigeonne quand même. Cela jouxte le pathétique.

C’est un petit livre (175 p.) qui se lit très bien mais qui ne va pas en profondeur du personnage singulier que fut cet homme. En revanche c’est d’une grande drôlerie voire d’une cruauté certaine par moments. Un petit bijou.

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Le beau et ténébreux Nikola Tesla. Quel regard.

Autres livres commentés : Nous trois, Je m’en vais, Un an, Envoyée spéciale, L’équipée malaise, Vie de Gérard Fulmard.

DES ÉCLAIRS, L’Éditions de Minuit 2010,  ISBN 978-2-7073-2126-8

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