Virgin suicides de Jeffrey Eugenides

Jeffrey Eugenides | The Virgin Suicides & Fresh Complaint - YouTube

Jeffrey Eugenides est un écrivain américain (Detroit 1960), il détient un Master d’écriture créative de l’Université de Stanford; aujourd’hui il enseigne à Princeton. Il se dit un écrivain « lent », sortant un roman tous les six à dix ans, mais quels romans !

Virgin suicides (The Virgin Suicides 1993) est le premier roman de Jeffrey Eugenides, publié en français en 1995 sous  le titre de Les Vierges suicides, qui a changé de nom après le succès du film éponyme de Sofia Coppola.

Le film, The Virgin suicides de Sofia Coppola, date de 1999 et connut un énorme succès. La teneur du film est assez proche du livre dans la mesure où toute l’histoire baigne dans une atmosphère ambigüe à souhait, un univers assez morbide où l’on pressent le drame.

C’est l’histoire des 5 soeurs Lisbon, cinq filles superbes qui se suivent entre 13 et 17 ans, elles vivent au sein d’une famille middle-class protestante et puritaine dans une banlieue aisée de Detroit dans les années 70 : le père est professeur de maths et assez particulier avec ses lubies et une mère au foyer particulièrement psychorigide. La plus jeune des filles, Cecilia va se suicider en premier (je ne fais pas spoiler car on a l’information dès le départ du livre).

Les narrateurs de cette histoire sont plusieurs, ils ont aujourd’hui 40 ans et ils n’ont pas oublié les soeurs Lisbon mais ils n’ont rien compris à leur suicide non plus. A l’époque ils étaient des adolescents qui vivaient dans le même quartier que les soeurs Lisbon, qui fréquentaient la même école et les mêmes personnes; mais ils n’ont jamais bien connu les soeurs, même s’ils passaient le plus gros de leur temps à les espionner et à fantasmer sur elles. Ces 5 filles ne sont pas tant des personnalités différentes que des idées particulières qui servent à les différencier : Cecilia la plus jeune et la première suicidée est la rêveuse, Lux est la délurée, Bessie la dévote, Mary la raffinée et Thérèse l’intello. Après le suicide de la benjamine, le groupe d’ados  aura la curiosité exacerbée envers les autres qui seront scrutées et épiées en même temps que monte leurs désirs d’elles.

Et après une incartade de l’une des filles (Lux) les parents, en punition, les sortent du lycée et les confinent à la maison (aurait-on le droit aujourd’hui d’infliger ceci à des adolescents sans que les services sociaux ou le professorat ne s’en inquiètent? Nous sommes dans l’Amérique de 1970). Les garçons vont essayer de reconstituer l’univers confiné des filles LIsbon à travers tous les objets personnels qu’ils vont récupérer de la poubelle : journal de vie, photos et divers petits objets de leur quotidien.

Cette belle brochette de soeurs incarne bien l’éternel féminin entre les mains d’une mère castratrice qui ne veut rien savoir de leur féminité patente. Le livre est riche en sensations olfactives suggérées par des images dans un monde féminin confiné (les règles et la collection de tampons, les parfums, le hasch, la sueur, l’oxyde de carbone, le sexe). C’est une ode à la féminité en fleur avec une ambiance forte en sensations suggérées; ces corps féminins qui perdent leur innocence et sont attirés vers le vide et la mort, c’est à dire vers un suicide collectif et violent.

C’est un monde avec une communication difficile que celui de l’adolescence, une terra incognita, un mystère où la parole ne suffit pas. La scène où les ados essaient de communiquer avec les soeurs par des chansons interposées et qui expriment mieux leurs sentiments que leurs paroles, est un moment fort du film. La chanson de Gilbert O’Sullivan Alone again, naturally est sublime dans le contexte. Et le roman n’explique en rien l’acte de ces 5 soeurs, c’est au lecteur de se faire le parcours mental et psychologique des 5 nymphettes. L’attitude des parents est tout aussi incompréhensible et de toute manière face à un cataclysme pareil, il n’y a pas d’attitude conventionnelle.

A la fin du roman on peut lire…quelque chose de malade au coeur du pays avait infecté les filles. Nos parents pensaient que ça avait à voir avec notre musique, notre absence de foi, ou le relâchement de la morale touchant l’activité sexuelle que nous n’avions jamais eue. Les filles Lisbon devinrent le symbole de ce qui n’allait pas dans le pays, du malheur qu’il infligeait à ses citoyens les plus innocents. 

Un livre très fort sur l’adolescence et ses dangers.

THE VIRGIN SUICIDES, Poster, Affiche (68cm x 101cm): Amazon.fr ...

L’affiche du film de Sofia Coppola

Autres livres commentés : Middlesex, Le roman du mariage.

VIRGIN SUICIDES, J’ai lu N° 5493 (JE 1993),  ISBN 978-2-290-30949-0

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