Le salon de Wurtemberg de Pascal Quignard

Pascal Quignard est un écrivain et violoncelliste français (Verneuil-sur-Avre 1948), licencié en Philosophie.

Son oeuvre est considérée comme l’une des plus importantes de la littérature française contemporaine; cette oeuvre est complexe : les thèmes sont souvent ressassés, les découpages très fragmentaires, et cela déroute. Ces thèmes tournent autour de la mort, la lecture, le silence, les lieux, la musique, la sexualité, sur un fond empreint de dépression. Il réalise un travail sur la mémoire et l’inéluctable métamorphose des souvenirs, l’amitié, les amours contingentes.

Pascal Quignard travaille entre fiction et réalité, entre philo et psychologie, entre musique et littérature.

Son style si particulier lui a valu un épithète, celui de quignardien, une écriture coq-à-l’âne quignardienne, répétitive.

Sa consécration est arrivée avec ce livre et la notoriété avec le suivant, Les Escaliers de Chambord (1989).

Le salon du Wurtemberg (1986) est un récit, étiqueté roman lors de sa parution, qui semble comporter beaucoup d’auto-fiction. Le livre raconte la vie de Charles Chenogne, dit Karl, entre l’année de son service militaire (1963) et l’année 1986; Charles est né en Allemagne dans un milieu très français (huguenots installés dans le Wurtemberg) et il pourrait parfaitement correspondre à un alter ego de Pascal Quignard (+/- même âge, musicien, écrivain, un parcours visiblement parallèle).

Le narrateur va nous livrer sa vie par fragments, le plus souvent avec un mode flux de conscience et moult, moult digressions qui lui viennent à l’esprit sur des thèmes divers, la plupart du temps ayant trait à la culture non tant musicale que littéraire, historique, philosophique. L’écriture est très riche en détails, qui par moments nous la rendent très précieuse, recherchée. Le narrateur est un être très mélancolique voire dépressif, jamais content, toujours entre deux déchirements, un être en somme assez nietzschéen.

Sa vie commence en Allemagne où sa mère quittera sa famille pour un autre homme. Ensuite Charles Chenogne ne se sentira jamais un sujet épanoui, ni accompli, il recherchera la solitude en même temps que la compagnie sans pouvoir réellement s’attacher aux gens ni aux choses; on dirait que c’est la recherche permanente du paradis perdu.

Ci-après un paragraphe sur les souvenirs…Étranges rêves que nos souvenirs. Étranges fleuves que nos oublis et que nos vies. Sur toutes les minutes que nous vivons ne demeurent en suspension que d’étranges fragments. On ne voit pas quelle nécessité a présidé à la section, au bris, à l’effilochage, ou au naufrage. Étranges naufrageurs que les livres.

Dans ce livre, le meilleur ami du narrateur est un fin connoisseur de confiseries, parfois surannées, des raretés éparpillées entre la France et l’Allemagne. Il y a, page 315 un si joli éloge du calisson d’Aix que je cite ici…Les calissons d’Aix comptent parmi les bonbons que je préfère- parce qu’ils sont presque de pâtisseries, parce qu’ils sont légers aux doigts, parce qu’ils sont tendres aux dents, parce qu’ils sont subtils au goût, parce qu’ils ont la forme de mandorles, parce qu’en eux la pomme tragique, la pomme féminine, la pomme édénique, peu à peu s’efface devant l’amande, parce qu’ils ont conservé une part de l’odeur des cyprès verts et de la montagne Sainte-Victoire, parce qu’ils sont d’une blancheur qui rappelle plus la couleur de la peau humaine que la couleur du lait, ou que la couleur de la canine, ou que la couleur de l’innocence, parce qu’ils sont des sortes d’hosties diaboliques ou du moins de minuscules pains bénits enveloppés- du pain azyme de l’hostie.

Une lecture ardue qui nécessite concentration, qui demande la relecture de passages sous peine de perdre le fil . Plusieurs fois je fus tentée d’arrêter et chaque fois j’ai continué, attirée par le déferlement d’idées et de préciosités qui sautaient du coq-à-l’âne pour vous mettre en éveil, un éveil légèrement accablé par un afflux torrentiel d’informations.

Après cet effort, le réconfort est de pouvoir appréhender un peu mieux le style et la manière de cet auteur singulier.

Autre livre commenté : Les solidarités mystérieuses .

LE SALON DE WURTEMBERG, Gallimard 1986, ISBN 2-07-070710-5

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