Les paradis aveugles de Thu Huong Duong

Duong Thu Huong - Des femmes

Thu Huong (Parfum d’automne) Duong est une romancière et dissidente politique vietnamienne (Vietnam 1947) qui a reçu un prix littéraire pour la liberté d’expression, prix accordé aux écrivains qui ont été persécutés pour leur travail littéraire. Madame Duong a été exclue de l’Union des écrivains vietnamiens en 1990 pour ses opinions en faveur d’une démocratie au Vietnam, elle a ensuite fait de la prison en 1991 et a été empêchée de passeport en 1994, soumise à une résidence surveillée et aussi empêchée de publication de ses livres au Vietnam, où elle ne figure sur aucune anthologie. Elle vit en France depuis 2006.

Ses romans reflètent la vie sociale au Vietnam après la guerre avec l’instauration du communisme. Elle a été expulsée du Parti Communiste pour ses critiques.

J’ai lu son très beau roman Terre des oublis (2005) qui a reçu le Grand Prix des lectrices de Elle (2007); un roman fleuve de 800 pages débordant de passion et de fureur dans l’ambiance de l’après guerre au Vietnam, un livre qui met en évidence l’importance des traditions dans ce pays. J’ai été séduite par le lyrisme de l’écrivaine. L’autre livre lu est Myosotis (2003) qui raconte l’amour d’une chanteuse pour son mari musicien; on retrouve ce même lyrisme et une nature omniprésente, mais aussi beaucoup de noirceur et de désespérance.

Les paradis aveugles (1991) a reçu deux prix : le Prix Fémina roman étranger et le Prix Gabrielle d’Estrées de la même année. C’est un roman assez triste mais qui finit avec une promesse de rédemption.

C’est un roman d’apprentissage avec une histoire dans un milieu rural assez pauvre. Les conditions de vie des paysans vietnamiens sont très bien expliquées, leur mode de vie ainsi que leur culture culinaire. L’histoire démarre pendant la réforme agraire , menée avec une grande violence et où même les petits paysans ont souffert l’indicible, ne parlons pas des « bourgeois », parce qu’ils appliquaient l’épithète à quiconque avait un peu de culture.

Ainsi, le père de la protagoniste du livre, Hàng, était professeur dans un collège, il a dû fuir et se cacher laissant sa femme enceinte de Hàng. Cette mère est une femme sans éducation qui aura beaucoup de mal à survivre et à sustenter sa fille. Mais il y a une tante, soeur du père de Hàng qui très tôt détecte les possibilités intellectuelles de Hàng et va lutter pour lui donner une meilleure vie. Ce sera la première femme de cette famille à avoir une éducation.

Alors que grâce à sa tante Hàng suit des études universitaires, le malheur s’abat sur la mère et Hàng doit abandonner ses études afin de subvenir aux besoins importants de sa mère qui a dû être amputée d’une jambe.

Après une calamiteuse reforme agraire, le pays « entre en communisme » et commence à se former un apparatchik avec des gens souvent illettrés. C’est le cas du frère cadet de sa mère qui deviendra un communiste virulent, plus occupé à régler des comptes aux gens et à trafiquer, que à s’occuper d’améliorer la situation des pauvres.

Il ressort encore dans ce livre l’immense attachement et les devoirs entre les gens d’une même famille, même si, comme dans ce cas, l’oncle de Hàng et un parfait salaud.

Hàng s’exilera en Russie et travaillera comme ouvrière textile afin d’envoyer de l’argent à sa mère. Et quand sa tante est sur le point de mourir, elle rentrera au Vietnam pour s’occuper de tout parce qu’elle est la dernière de la famille paternelle, son père ayant vraisemblablement été assassiné par des gens du parti.

On comprend ce que veut dire le devoir au sein d’une famille vietnamienne, le respect sans discussion d’une certaine hiérarchie par l’âge et la résilience de ce peuple.

Un livre très noir mais très informatif et qui termine avec une note d’espoir pour Hàng.

LES PARADIS AVEUGLES, Le Livre de Poche N° 33306, 2014 (THD 1991), ISBN 978-2-253-17791-3

2 réflexions sur “Les paradis aveugles de Thu Huong Duong

  1. Voilà une autrice que vous donnez envie de découvrir. Je suis vraiment profane en littérature vietnamienne. Les thèmes m’interpellent.
    Je note ses autres romans aussi.

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