Cora dans la spirale de Vincent Message

Cora dans la spirale", Vincent Message - rentrée littéraire 2019 éditions  du Seuil - YouTube

Vincent Message est un écrivain français (Paris 1983), normalien de formation. Il a crée un master de création littéraire en 2013 (avec 2 autres co-créateurs).

Cora dans la spirale (2019) est son troisième roman. C’est un livre de plus de 400 pages à la teneur intéressante dont les thèmes principaux sont : une entreprise familiale devenue holding, la gestion de l’entreprise et les circonstances, le rôle de la DRH (on s’obstine à appeler le service RH alors que de plus en plus c’est RI, relations inhumaines). Il y a encore beaucoup  d’autres thèmes développés dans ce livre et j’ai trouvé qu’il y en avait trop. Autre élément qui m’a rendu la lecture difficile, c’est le manque de dialogues avec parfois un seul/long paragraphe par page. J’ai trouvé aussi que la temporalité du récit était par moments un peu floue et déstabilisante.

Des narrateurs il y en a deux : Cora Salme à travers les carnets qu’elle a laissés (30), racontant son odyssée sur 3 ans dans l’entreprise  et un narrateur omniscient, Mathias, journaliste, qui relate les faits des années après en menant, en même temps des entretiens et qui fait partie de la famille de Cora; c’est son fils, devenu adulte.

Dans Cora dans la spirale, il y a l’histoire de l’essor d’une compagnie d’assurances provinciale (Clermont Ferrand) qui naît toute petite et familiale pour évoluer vers une grande entreprise ayant des vues sur l’international. En même temps que le profil financier se fait prometteur, le côté humain se dégrade. Il y a des comparatifs intéressants dans le livre, comme par exemple la petite entreprise familiale et son côté « humain » versus un holding qui doit suivre des directives impitoyables  sous l’égide de la rentabilité maximale et le plus vite possible; le type des dirigeants d’entreprise, très différents qui impriment un rythme selon leur formation (l’ancien versus le moderne); l’aspect scientifique aujourd’hui incontournable au sein de l’entreprise, etc.

L’héroïne du roman est Cora Salme, nous sommes en 2010 et elle vient de donner naissance à son premier enfant; elle reprend son travail après le congé de maternité. De Cora nous connaitrons bien son monde intérieur et privé et son monde extérieur par le biais de sa vie professionnelle car elle fait partie de cette entreprise d’assurances agrandie où elle s’occupe de marketing. Elle est plutôt bien notée professionnellement et le corollaire de cela est qu’elle mène une vie difficile qui va la mener tout droit au burn-out.

Dans les assurances on rivalise d’inventivité et l’on recherche en permanence des formules accrocheuses pour le client comme « rassurer en assurant » ou si vous préférez cette autre, « assurer en rassurant ».

Il y a une description intéressante de ce que signifie travailler à Paris, dans une tour de La Défense, en open space, avec 20 minutes de perte de temps rien qu’avec l’attente des ascenseurs, les déplacements en métro (Cora vit à Montreuil et elle a calculé qu’elle perd environ 30 jours par an dans les transports en commun!), etc. L’ambiance au travail est plutôt délétère avec différentes pressions laborales.

Le burn out va se traduire par une perte des réalités pour Cora et la survenue d’un drame épouvantable avec des conséquences  assez dévastatrices. Le comble du cynisme étant que après tant de souffrances provoquées par la vie dans l’entreprise, c’est Cora qui sera traînée en justice. Et c’est là qu’intervient le narrateur Mathias, lequel essaie de constituer un dossier pour la défense de Cora Salme, sa mère, en se basant sur les carnets et des interviews.

La description du monde de l’entreprise s’est inspiré du cas d’Orange, tristement connu par tous.

Le choix symbolique du mot spirale dans le titre, n’est probablement pas anodin et rappelle le panoptique de Bentham (alternative au bagne conçue au XVIIIè) où l’on pouvait voir sans être vu;  Foucault, le philosophe, dans son texte sur la société de surveillance parle « du surveillé se sachant regardé de toute part et intégrant ainsi la norme de bonne conduite ». Ceci pour expliquer que l’on fasse travailler des gens dans un environnement ouvert (l’open space). Pour revenir à Cora Salme, la spirale dans son cas c’est l’évolution de son énergie dans l’entreprise qui naturellement doit être ascensionnelle. J’ai relevé sept fois le mot spirale dans ce roman.

Il y a une belle  construction littéraire du roman autour de l’oubli ;  dans la vie de Cora il va y avoir trois oublis majeurs qui vont servir de pivot à la trame : l’oubli de son violon dans l’adolescence, l’oubli du sondage commandé par son supérieur  et l’oubli de Manon dans la voiture. 

Deux films récents exposent très bien ce sujet. Je pense à Corporate en 2016, dirigé par Nicolas Silhol et Ceux qui travaillent en 2018 dirigé par Antoine Russbach avec Olivier Gourmet.

CORA DANS LA SPIRALE, Seuil 2019, ISBN 978-2-02-153105-6

2 réflexions sur “Cora dans la spirale de Vincent Message

  1. Merci pour ce beau papier, ça donne envie. Je trouve simplement dommage que vous révéliez des éléments-clefs de l’intrigue sans prévenir le lecteur qui n’aurait pas encore lu le roman et ne souhaiterait pas tout savoir d’avance !

Laisser un commentaire