Les mouettes de Sándor Márai

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Sándor Márai, de son vrai nom Sándor Grosschmid, est un  écrivain et journaliste hongrois né en 1900; il s’est donné la mort à San Diego, USA, en 1989 où il vivait exilé depuis 1980 et avait pris la nationalité américaine. Márai s’est exilé en 1948 lors de l’entrée des chars russes à Budapest, d’abord en Suisse puis en Italie et ensuite aux USA.

Pendant son exil et à partir de 1948, l’écrivain avait été oublié en Europe où il sera redécouvert en 1990 après sa mort  grâce aux Éditions Albin Michel.

Aujourd’hui l’œuvre de Márai est considérée comme faisant partie du patrimoine européen avec une réputation à l’égal de Stefan Zweig, Joseph Roth, Arthur Schnitzler, Musil, Rilke, Kafka, Kundera,  etc. Ce sont des écrivains consacrés de la Mittel-europa et Márai est l’un des derniers représentants de la culture brillante et cosmopolite de cette Mittel-europa emportée par la chute de l’Empire austro-hongrois et par les totalitarismes. L’écrivain croyait sur la victoire de la morale sur les instincts, en la force de l’esprit et en sa capacité de maitriser les pulsions meurtrières de la horde. L’homme s’est tristement trompé.

 C’est un écrivain qui n’est pas facile à lire, son oeuvre est profonde, psychologique et désenchantée car elle reflète bien la fin d’un monde civilisé et cosmopolite qui s’est effondré avec l’arrivée des communistes en Europe de l’Est; de fait, ses livres furent brûlés par les communistes en place publique car ils représentaient une certaine idée de la bourgeoisie.

Les mouettes (1943) et il n’est pas mon préféré (mon préféré:Les Braises)  car je l’ai trouvé par moments assez pontifiant, trop solennel et bavard. Cela étant dit, c’est du pur Márai avec une brillante confrontation entre deux personnages et un récit dans un espace restreint, un peu comme une pièce de théâtre : le bureau d’un haut fonctionnaire, l’Opéra de Budapest et la résidence du haut fonctionnaire.

Une jeune et belle femme arrive au ministère solliciter un visa de séjour et de travail à Budapest. La jeune femme est finlandaise, elle s’appelle Aino Laine et parle plusieurs langues, elle est d’origine finno-ougrienne comme le fonctionnaire, elle a traversé l’Europe pour arriver jusqu’à Budapest…mais surtout elle est le sosie d’une autre jeune femme, Ilona, que le fonctionnaire a aimé naguère bien qu’elle ne l’ait pas aimé. C’est une jeune femme assez énigmatique qui a vécu des expériences et dont la motivation n’est pas clairement exprimée.

C’est un moment crucial pour la Hongrie car sous peu elle va rentrer en guerre et tout va basculer. Le fonctionnaire  est très conscient de son importance dans la rédaction de documents en ce moment historique pour son pays et cette jeune femme surgit à un moment de grande tension.

Ainsi, par une froide et neigeuse journée suivie d’une nuit en huis clos, cet homme et cette femme intrigués l’un par l’autre, vont entamer un face à face et parler jusqu’à plus soif dans un questionnement universel de l’humain : leur vie, leurs positions face à Dieu, à l’amour, à la mort.

Le fonctionnaire a 45 ans et il sent que sa jeunesse est derrière lui, il se sent déjà vieux et probablement accablé par l’entrée en guerre de la Hongrie,  il est obsédé par ses souvenirs. Curieusement ce personnage a le même âge que Márai puisque l’écrivain, né en 1900, devait avoir 42 ans lors de l’écriture de ce roman…comment ne pas coucher sur le papier toutes ses angoisses, ses doutes, son stress vis-à-vis du cataclysme qui se préparait.

Le titre Les mouettes  est expliqué page 42 : …elles s’envolent, mues par des incitations obscures ou des informations mystérieuses, on dirait que quelque chose leur vient à l’esprit ou que quelqu’un leur souffle une nouvelle concernant la vie, la nourriture, les événements. Elles prennent leur envol par groupes de trois, quatre, leurs battements d’ailes effleurent la surface de la rambarde et elles tournoient en l’air. Elles crient et descendent en chute libre comme des suicidées. Et page 89…oui, comme les mouettes qui atterrissent ici, guidées par leur instinct qui les emmène du Nord dans cette direction parce que, dans leur lutte pour la vie, elles espèrent y trouver les conditions atmosphériques et la subsistance dont elles ont besoin. Ce n’est pas une expérience banale, ordinaire…C’est Aino Laine, la mouette, qui cherche à survivre.

Le roman est assez flou, mystérieux, l’ambiance est hypnotique et par moments onirique, le style est assez littéraire et élégant.

Autres livres commentés : La soeur, Les étrangers, Ce que j’ai voulu taire, Dernier jour à Budapest.

LES MOUETTES, Albin Michel 2013 (SM 1943),  ISBN 978-2-226-25206-7

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