L’étrange bibliothèque d’Haruki Murakami

Résultat de recherche d'images pour "haruki murakami"Haruki Murakami est un écrivain japonais (Kyoto 1949), auteur de best sellers et pressenti pour le Nobel de Littérature depuis dix ans. Il a été traduit à plus de 50 langues et édité à des millions d’exemplaires. En dehors de la publication de romans, Murakami est traducteur de l’anglais au japonais et il publie aussi comme essayiste sur des sujets d’actualité. Au plan personnel c’est un passionné des chats et de la musique de jazz.

Son style se rapproche de la littérature post moderniste avec du réalisme magique et une touche picaresque teintée de romantisme ou de surréalisme. Ses enquêtes policières se teintent aussi de fantastique ou de science fiction.

Il évoque dans ses romans des thèmes existentiels tels que la solitude, l’incommunicabilité, l’aliénation au sein des sociétés capitalistes. Dans ses livres on retrouve les pensées d’êtres à la recherche de leur identité et abordant l’existence avec un certain malaise. L’attitude prévalente des personnages chez Murakami est le détachement, une indolence faite de désenchantement ou de désillusion : le fatalisme zen.

C’est un auteur déroutant qui sait allier le mélange du plus pur et précis réalisme avec une touche de fantaisie teintée d’onirisme. J’apprécie ses livres et il me surprend à chaque fois. Dans ce blog j’ai publié un billet en décembre 2015 sur L’incolore Tsukuru Tazaki et un autre billet en juin 2016 sur Saules aveugles, femme endormie; livres qui m’ont plu. Mon préféré reste Kafka sur le rivage probablement parce que ce fut LA découverte de Murakami avec sa « patte » si spéciale.

L’étrange bibliothèque est une nouvelle inédite ou une fable qui resume bien son style. Au delà de la nouvelle il y a un conte philosophique; il m’a semblé que c’est un récit d’initiation à la vie d’adulte avec une sortie fracassante du monde ouaté et surprotégé de l’enfance. Ce petit livre, en format poche est luxueusement illustré par une artiste allemande, Kat Menschik, qui a déjà travaillé trois fois avec Murakami et dont les dessins assez  inquiétants et oniriques collent bien avec la littérature de Mr Murakami.

En résumé, c’est l’histoire d’un jeune garçon (âge non précisé) qui s’arrête sur le chemin de retour de l’école pour rendre à la bibliothèque municipale deux livres empruntés, en temps et en heure. Cela nous donne quelques renseignements en passant sur le jeune garçon : il est poli (il frappe aux portes), il est ponctuel, il est soigné de sa personne (il porte des chaussures de prix), il est avide d’apprendre, il est respectueux et discipliné, il adore son étourneau apprivoisé.  Que de connotations positives.

Mais si on regarde de plus près, on s’étonne d’apprendre les titres des deux livres précédemment empruntés par le jeune garçon : Comment construire un sous- marin et Souvenirs d’un berger. Cela ne vous étonne pas? alors qu’il y a tellement de littérature plus apte à sa soi disant soif de savoir. Il me semble que derrière ceci il y a de sa part un certain désir transgresseur, celui d’aller trop vite en besogne, celui de vouloir pénétrer de façon fracassante dans le monde des adultes, celui d’épater son monde. Et quand, pris de court, il annonce le titre du livre qu’il souhaite lire par la suite, les bras m’en tombent : il veut lire sur la récollection des impôts dans l’Empire turc ottoman ! Non, mais il se paye la tête du monde ce gamin, il a du toupet ! Et de plus c’est un mensonge avec préméditation, c’est une idée qui lui était venue en marchant sur le chemin de l’école. A partir de ce moment, il devra assumer ses options et réaliser un parcours difficile semé d’embûches, non dénué de cruauté voire d’acte de cannibalisme !(l’absorption à la paille de sa masse encéphalique, mousseuse à souhait car riche en connaissances fraîches,  par son geôlier de la salle 107). Ce conte devrait faire les délices des enfants car ils aiment la cruauté et la frayeur dans les contes.

Lorsque le gamin aura compris qu’il est bel et bien englué dans une toile d’araignée, il va comprendre qu’il lui faudra ruser pour s’en sortir. Et il s’en sortira par ses propres moyens, aidé par les personnages qu’il aura appris à imaginer et à apprivoiser autour de lui , l’homme-mouton pourrait être le dédoublement de sa conscience.

Aïe, n’arrive pas à la connaissance qui veut, ni s’arrive à l’âge adulte sans égratignures.

Les illustrations sont assez somptueuses mais j’ai été surprise de voir l’illustration de l’homme-mouton par un homme-bélier. Aussi j’ai été épatée par les menus servis à l’enfant dans sa geôle, menus pas du tout japonisants mais occidentaux et traduisant la bonne culture gastronomique de Murakami qui a vécu longtemps à l’étranger.

Très bonne lecture, un condensé du monde murakamien (…l’homme-mouton est un personnage récurrent dans ses livres) avec une fin assez nostalgique et qui peut avoir deux niveaux de lecture.

Autres livres commentés : 1Q84, Profession romancier, Saules aveugles,femme endormie, L’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, Première personne du singulier.

L’ÉTRANGE BIBLIOTHÈQUE, 10/18 2016,   Belfond 2015 (HM 2005),  ISBN 978-2-264-06911-5

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