La cité des marges de William Boyle

William Boyle est un romancier et disquaire nord américain (N. York 1978).

La cité des marges (City of Margins, 2020) est un polar très noir qui rentre bien dans la catégorie du dirty realism, courant littéraire paru Outre Atlantique dans les années 1980-90, un genre qui s’intéresse à la vie peu reluisante de petites gens, avec leur parler, qui peut être cru, dans une écriture dépourvue de toute joliesse. C’est curieux, mais j’ai constaté que plusieurs écrivains contemporains nord américains refusent cette étiquette qui pourtant colle bien à leur style.

En tout cas, en ce qui concerne ce roman, je trouve que l’étiquette lui va comme un gant. Voici un roman très fort situé dans le Brooklyn natal de l’auteur, dans les années 90 du siècle dernier, qui nous décrit Little Italy et ses gens sous forme de roman choral avec 7 personnages hauts en couleur, magnifiquement travaillés.

Au centre du récit et personnage autour duquel tourne l’intrigue : Donnie Parascandolo, ex-flic exclu du Corps après l’agression d’un supérieur, devenu gros bras d’un minable parrain du quartier; Donnie est alcoolique et passablement agressif et suite au décès de son fils unique, sa femme Donna l’a quitté. Malgré la noirceur et la violence de ce personnage, on ressent de l’empathie pour lui parce que c’est un paria et qu’il est en train de se suicider à petit feu, il est au bout de lui même.

Les autres personnages autour de Donnie sont : son ex femme, Donna, qui vit à quelques mètres, non remise de la perte de son fils; Rosemarie et Mikey Baldini, mère veuve et fils un peu déboussolé; Ava et Nick Bifulco, mère veuve, directrice d’EPHAD et fils nul, professeur de lycée, qui pense faire fortune en écrivant un livre sur Donnie, le flic ripou; Antonina Divino la Lolita du quartier qui a l’air de savoir ce qu’elle veut; Ralph Sottile, un autre ex flic ripou, un personnage émouvant qui va s’attacher à Antonina en souvenir de la fille qu’il a rêvé d’avoir un jour.

Tous ces personnages habitent le quartier, certains se connaissent, d’autres vont se croiser de façon fortuite ou provoquée. Tant d’interactions entre tous ces personnages, feront que l’atmosphère va s’envenimer et à partir de là le roman se transforme en tragédie grecque avec plein de mammas italiennes pleurant toutes les larmes de leurs corps.

La fin de ce roman noir est ouverte, c’est une satire assez féroce et très sociale, décrivant un milieu particulier. Et au coeur du livre, se trouvent la perte de l’innocence et la douleur qui suit la disparition d’êtres chers. Une lecture qui secoue.

Brooklyn années 1990

LA CITÉ DES MARGES, Gallmeister 2021, ISBN 978-2-35178-240-8

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