Le Point Zéro de Seichô Matsumoto

Matsumoto Seichō (en japonais l’on se doit de citer en premier le nom de famille suivi du prénom),  de son vrai nom Matsumoto Kiyoharu est un écrivain japonais (Kitakyūshü 1909-Tokyo 1992);  un auteur très prolifique (plus de 400 ouvrages), surtout connu comme auteur de romans policiers. C’est justement Tokyo Express qui l’a rendu célèbre : un polar écrit en 1957 et publié en 1958 par épisodes dans une revue, puis édité sous forme de livre. Il existe un Mémorial et Musée dédié à l’écrivain à Kitakyüshü, sa ville natale.

Matsumoto a introduit dans le roman policier japonais la psychologie des personnages et les détails de la vie quotidienne, le tout avec une précision d’orfèvre et une foultitude de détails . Ce style lui a valu d’être comparé à l’illustre écrivain belge George Simenon. Curieusement ses récits sont souvent en rapport avec des trains, comme c’est le cas de Tokyo Express où il y a aussi des précisions horaires sur les compagnies aériennes nippones. Plusieurs de ses livres ont été portés à l’écran.

Point Zéro (1959), un polar très agréable à lire par ce contexte social japonais de l’après guerre, années 50.

L’intrigue est assez compliquée dès le départ et elle va s’étoffer de plus en plus. Au départ, c’est la disparition de Kenichi un mois après son mariage avec Teiko, par l’intermédiaire d’un entremetteur alors même que Kenichi vient d’obtenir sa mutation à Tokyo, lui l’employé modèle.

Sa jeune épouse Teiko fera des recherches aidée par Honda, celui qui a pris l’ancienne place de Kenichi en province, à Kanayawa, au nord du Japon. Le plus drôle ici c’est que ce sont les particuliers qui recherchent car la police est peu motivée, et ils ont l’habitude au Japon que les gens disparaissent de temps en temps sans laisser de traces.

Kenichi a un frère aîné, Sôtarô qui lui aussi se mettra à sa recherche et de toute évidence il sait des choses sur Kenichi que sa jeune épouse n’a pas eu le temps d’apprendre.

Peu à peu et à force de moult déplacements en train (l’obsession de l’écrivain pour les trains !) et des contacts avec des gens qui ont connu Kenichi, Teiko arrivera à trouver une explication à sa disparition si soudaine.

Un polar très ancré sur le social japonais qui nous apprend beaucoup de choses.

J’ai notamment remarqué, par exemple, ce recours, même aujourd’hui, aux mariages arrangés par l’entremise d’un ou d’une professionnel/le, une profession sérieuse et nécessaire au Japon où les gens gardent tellement leur distance que l’on arrive difficilement à les connaitre vraiment; souvent ils ne connaissent pas la spontanéité dans le contact et tout obéit à des règles sociales strictes selon le rang dans lequel on se situe.

J’ai appris aussi la situation des filles pan-pan, qui ont existé après la DGM avec un Japon à genoux, en grande carence. Ce sont des filles de tous les milieux sociaux qui ont « fréquenté » les soldats américains pour avoir à manger ou un peu d’argent; les filles des classes supérieures, éduquées ont pu, par la suite, se marier et fonder des familles, d’autres moins favorisées ont fini dans la prostitution; le thème des filles pan-pan n’est pratiquement jamais abordé au Japon, c’est un sujet tabou.

Autre aspect social frappant est le respect de la subordination due à la supériorité en grade dans le monde du travail ce qui se traduit par une gestuelle très précise vue par nous comme des salamalecs sans fin.

Aussi un autre aspect étonnant est l’obéissance et le respect aux personnes âgées, en commençant par les parents; même si on est en désaccord, ils son écoutés, voire obéis.

Pour revenir au livre, je me suis un peu perdue avec le nom des lieux et la lenteur de l’intrigue, mais globalement la qualité de l’écriture est superbe. Coup de chapeau bas aux traducteurs Dominique et Frank Sylvain qui ont bien donné le ton et l’atmosphère, car l’on croit lire un texte écrit directement en français.

LE POINT ZÉRO, Atelier Akatombo 2018 (SM 1959), ISBN 978-2-37927-006-2

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