L’Homme qui marche de Jean-Paul Delfino

La bibliothèque de Delphine-Olympe: En aparté avec Jean-Paul Delfino

Jean-Paul Delfino est un écrivain et scénariste français (Aix-en-Provence 1964), auteur aussi de livres pour la jeunesse. Il a écrit une série de romans sur le Brésil parmi lesquels Corcovado a reçu un Prix.

L’Homme qui marche, de Monsieur Delfino, n’est pas la sculpture de Giacometti, ni les livres homonymes d’Antoine Guilloppé, de Bernard de la Villardière, ou de Jean Beliveau, ni le manga de Taniguchi, ni le film d’Aurélia Georges (2008), ni la chanson d’Étienne Daho (2013) ni le livre biographique sur Florent Pagny, l’homme qui marche (2018).

Non, le livre de Jean-Paul Delfino est un sympathique roman sur un homme qui marche, Théophraste Sentiero, dit Théo, un quarantenaire couleur muraille qui mène une vie sans peine ni gloire et qui, sans aucun diplôme, a pu fonder dignement une famille composée d’une belle-mère, d’une épouse et de deux enfants ados. Il est très bien logé grâce au loyer-loi de 1948, attribué à la presque centenaire belle-mère.

Théo a exercé nombre de petits métiers, sans jamais tâter le chômage; le dernier en date, est celui de dragueur de la Seine, où il récupère tous les objets qui encombrent le lit de cette rivière. Et Théo ressent de l’ennui, de la lassitude, du ras-le-bol tout d’un coup face à cette morne vie. C’est à ce moment qu’il va croiser sur un pont parisien une jeune femme éthérée, une sylphide qu’à peine entr’aperçue, va déclencher tous ses fantasmes érotico-romantiques jusque là enfouis quelque part dans le cortex.

Presque en même temps, ce pauvre Théo va développer un syndrome des jambes sans repos, incompatible avec une vie sociale et un lit marital. Il va vite comprendre qu’en marchant beaucoup, les symptômes s’amendent énormément. Ainsi, il va se mettre à sillonner la capitale de long en large, c’est « l’homme qui marche ».

Au jardin du Luxembourg, il fera la connaissance de l’atrabilaire Anselme Guilledoux, un vieux libraire du Quartier Latin presque aveugle qui va l’embaucher afin de vider la librairie avant fermeture. Théo ne lit pas; il n’a jamais lu, ce n’est pas son truc. Anselme n’aura cesse de l’initier à la lecture, voire à la culture et se fera un vrai plaisir de lui choisir des lectures adaptées à lui. J’avoue que parmi ces lectures conseillées je suis tombée peut-être sur une pépite, un livre non lu ni jamais croisé dans mon parcours et que je vais lire; il s’agit de Gioconda de Nikos Kokantzis (2002), une histoire autobiographique d’amour déchirant sur fond de DGM en Grèce.

L’Homme qui marche est un roman très sympathique et très parigot; les dialogues sont enlevés et savoureux, à la façon d’un Michel Audiard, pleins de gouaille correspondant au profil humain des personnages. Ces personnages sont hauts en couleur locale, riches de leurs humaines imperfections, drôles, pathétiques, vrais : l’ancienne prostituée au coeur gros, le libraire qui regorge de citations en tout genre, la femme de Théo, Cécile, la concierge de son immeuble (portrait féroce), les copains de bistrot, de vrais piliers de bar, la bistrotière, etc. Mes préférences vont au libraire, inénarrable.

Ce livre est un joli conte d’un Paris en voie de disparition, du temps où l’on pouvait dire « Paris est un village »; aujourd’hui urbe presque sans âme, méconnaissable. Vers la fin j’ai trouvé que le récit devenait un peu « bavard », mais globalement ce fut un bonheur que de marcher avec Théo par toutes les rues citées. C’est vrai que l’on peut encore visiter cette ville à pied .

L’HOMME QUI MARCHE, Éditions Héloïse d’Ormesson 2021, ISBN 978-2-35087-755-6

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