Washington Square d’Henry James

Résultat de recherche d'images pour "henry james" Henry James est un écrivain américain (New York 1843-Angleterre 1916); il s’est naturalisé britannique en 1915. C’est une figure du réalisme littéraire du XIXè  et un maître du roman  et des nouvelles.  Il avait reçu une éducation cosmopolite et soignée entre l’Europe et les États Unis, avec notamment des études francophones en France et à Genève. Cette découverte précoce de l’Europe l’a nourri en littérature. Il a commencé des études de Droit à Harvard qu’il a abandonnées pour se consacrer entièrement à l’écriture. Ses premières publications se font autour de 1871 avec un roman publié sous forme de feuilleton, comme c’était fréquent à l’époque (cf Balzac). C’est un voyageur impénitent, un « citoyen du monde » : Angleterre, France , Suisse, Italie surtout. En 1876, après un échec d’installation à Paris, il s’installera à Londres jusqu’à sa mort en 1916.

C’est pendant ces 40 années londoniennes qu’Henry James va écrire l’essentiel de son oeuvre (20 romans et 112 nouvelles !): une œuvre très riche et qui s’inspire en partie d’une bourgeoisie raffinée et de la découverte de l’Europe par des riches américains oisifs en formation culturelle dans ce qu’ils appelaient, à l’époque, le Grand Tour, en français. L’expert ès- Henry James, Franck Aigon (professeur de philosophie) a écrit si justement que la confrontation de la naïveté américaine et de l’expérience européenne n’est qu’un aspect d’une écriture qui s’emploie à sonder les cœurs en donnant toute leur place aux impressions et à la variation des points de vue (un peu à la façon d’un Sandor Márai je trouve).

Washington Square est un livre excellent que je préfère à Confiance commenté ici en mars 2017 parce que plus subtile et nettement plus percutant, terriblement réaliste, et avec cette vue des nord-américains tellement directe.

Deux films américains ont été tournés à partir du livre : L’Héritière (The Heiress, 1949) de William Wilder avec Olivia de Havilland et Montgomery Clift et Washington Square (1997) d’Agnieska Holland avec Jennifer Jason Leigh et Albert Finney. On peut les voir en VO sur youtube. Le film de Wilder est plus mélodramatique, plus stéréotypé aussi avec à la fin une belle vengeance de la part de la crédule Catherine. Le film de 1997 est splendide par ses décors et le rôle de Catherine m’a paru plus mièvre à la limite de la crédibilité et le rôle de Morris m’a paru plus atténué dans la prévarication du personnage.

Voici le sujet: le riche et célèbre docteur Sloper a une fille unique appelée Catherine, peu favorisée par la nature, terne, mais très têtue pour ne pas dire bornée. A cette époque et dans ce milieu, la vie sociale était riche et intense. Le docteur qui était veuf, vivait avec l’une de ses deux soeurs, veuve aussi, une femme très romanesque et assez sotte, Mrs Penniman, une vraie péronnelle. Lors d’une fête chez des cousines, Catherine croisera un beau jeune homme, Morris Townsend trop à l’aise, parlant bien et habillé avec soin. La pauvre fille s’éprendra au premier coup d’oeil du fat personnage, lequel saura très vite que Catherine est une riche héritière. L’occasion est trop belle pour Morris qui est un chasseur de dot car il n’a aucune formation, n’a jamais travaillé et a dilapidé en quelques années sa fortune personnelle, mais la chose la plus abominable est qu’il vit aux crochets de sa soeur, une femme veuve et qui élève seule cinq enfants encore jeunes.

Le docteur Sloper de par sa profession est assez fort pour évaluer la psychologie des gens et il va s’arranger pour faire la connaissance du séducteur Morris  comprenant clairement qu’il s’agit d’un vil personnage. Un éventuel mariage avec Catherine le mettrait définitivement à l’abri du besoin mais sa fille serait très malheureuse.

A partir du moment où le docteur comprend la nature du personnage, il n’aura de cesse que de persuader Catherine de rompre les fiançailles. Il l’emmène en Europe pendant un an, mais Catherine est butée et a décidé qu’elle épouserait Morris Townsend coûte que coûte. Alors, à bout d’arguments le docteur décide de déshériter sa fille (elle a tout de même un pécule de 10 millions de dollars qui lui vient de sa mère, mais c’est très loin du montant de la fortune cumulée par le docteur avec son travail et son succès).

Et c’est là que Morris décide de rompre les fiançailles et de disparaître de la vie de Catherine, tout en lui faisant savoir que une fois son père mort…Voilà un prédateur cynique et amoral.

C’est intéressant le rôle d’entremetteuse que va jouer la tante Penniman, bien au delà de la bienséance de l’époque (qui était plus que guindée…). Aussi le rôle du père est d’une virulence et d’une cruauté incroyables vis-à-vis de sa fille unique, voici comme il la décrit…c’était une enfant bien portante et robuste, sans la moindre trace de la beauté de sa mère. On ne peut pas dire qu’elle était laide : elle était simplement quelconque, terne et douce. L’éloge le plus poussé qu’on ait jamais fait d’elle était qu’elle avait une « gentille » figure; et, toute héritière qu’elle fût, personne ne s’était jamais avisé de la mettre sur la liste des jeunes filles à courtiser. Catherine n’était pas intelligente; elle ne comprenait pas vite ce qu’elle lisait, ni aucune autre chose, d’ailleurs. Elle n’était cependant pas totalement stupide et avait tout de même fait assez d’études pour tenir convenablement sa place dans une conversation avec des jeunes gens et des jeunes filles de son âge, au milieu desquels il est juste de dire qu’elle n’occupait qu’un rang effacé…(C’est dur).

Cette histoire va mal finir. Catherine va se renfermer sur elle même et rater sa vie de femme. Ce fut son choix.

Cet auteur me rappelle beaucoup Edith Wharton et ses descriptions d’un New York bucolique et huppé. Dans le roman de James, le docteur Sloper habite un tout nouveau quartier chic, Washington Square sis sur l’actuel Times Square, mais à cette époque, 1880, c’était la campagne…en 1835 Washington Square se trouvait être l’endroit rêvé pour les gens de goût épris de tranquillité. Toutes les maisons donnaient sur le Square, sorte de jardin planté de toutes sortes d’arbres et d’arbustes sans prétention et entouré d’une barrière de bois qui augmentait encore son aspect champêtre et bon enfant ; à deux pas de là, c’était l’imposante Cinquième Avenue qui commençait précisément à la hauteur de Washington Square et qui, déjà large et sûre d’elle même, semblait prévoir la haute destinée qui allait être la sienne…

Un livre excellent qui a gardé tout son mordant descriptif à la manière directe des nord-américains.

Autres livres commentés : Confiance, Les papiers d’Aspern, Ce que savait Maisie, La Tour d’Écrou.

WASHINGTON SQUARE, Omnibus 2013 (H.James 1880),  ISBN 978-2-258-09877-0

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