Numéro 11 de Jonathan Coe

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Jonathan Coe est un écrivain et mélomane britannique (Birmingham 1961) qui doit sa notoriété à son quatrième et excellent roman Testament à l’anglaise (1994). Le romancier aurait en tête l’idée d’écrire une série de livres mettant en scène les mêmes personnages, mais aussi d’écrire des romans se déroulant dans d’autres pays européens, en France par exemple, menant ainsi une sorte de vaste projet littéraire européen. C’est intéressant de savoir qu’en tant que romancier, il se sent plus européen que anglo-saxon.

Bien sûr que j’ai lu son Testament à l’anglaise lors de sa parution, il y a trop de temps pour donner un avis précis; j’avais beaucoup apprécié ce roman familial satirique sur la période thatchérienne.  Plus récemment j’ai lu La pluie avant qu’elle tombe (2007), livre excellent écrit sur un mode original où des secrets de famille vont resurgir à l’occasion d’un héritage ou comment les histoires se répètent souvent au sein des familles; il y a dans ce livre une description des paysages anglais qui m’avait enchanté. Puis La maison du sommeil (1997), Prix Médicis Etranger, un autre bon roman un peu comme dans La pluie avant qu’elle tombe : le temps qui passe et ses complications tordues; ici c’est un groupe de colocataires qui se fréquentent, avec une histoire d’amour parmi eux qui tardera 12 années à aboutir et qui sera lourde de conséquences. Les romans de Jonathan Coe baignent dans un humour très british qui les rend inégalables. La satire, cette vision si typiquement anglaise.

Numéro 11  (or Thales that Witness Madness, 2015) ce serait son 11è roman où le numéro 11 joue un rôle obsédant et répétitif dans les 5 chapitres du livre. C’est encore une fresque du Royaume Uni reflétant les profondes mutations de la société en raison des réformes thatchéristes et blairistes, c’est un state-of-the-nation-novel, un roman qui prend le pouls d’un pays déçu par l’option de Tony Blair vis-à-vis de la guerre en Irak, entre autres… Dans ce livre, Coe multiplie les clins d’oeil à ses livres précédents : déjà il ouvre le roman avec une citation de Testament à l’anglaise et nous retrouvons plusieurs personnages de la puissante famille Winshaw, toujours aussi odieux.

Page après page nous allons aborder toutes les plaies sociales et politiques du Royaume Uni: la spéculation immobilière, la santé à deux vitesses, les très-riches, le sous-emploi même pour les diplômés d’Oxford, le chômage, la pauvreté, l’affairisme à tout va, la malbouffe, etc.

C’est l’histoire de deux amies de milieux différents qui vont se perdre de vue avec pour chacune un vécu très différent. Elles vont se séparer à cause d’un malentendu pour finalement se rapprocher à nouveau. (l’histoire me rappelle celle de L’amie prodigieuse de Ferrante, avec cette amitié des deux filles si différentes qui défie le temps, mais bien sûr le contexte est différent…)

Dans les 5 chapitres il y aura des allusions constantes au numéro 11 : c’est un autre axe original de ce livre et qui se tient.

Ce roman a une fin totalement inattendue dans la mesure où nous allons basculer dans le fantastique mais de manière si géniale que on ressent vraiment de la peur. Il paraît que Jonathan Coe est arachnophobe (tout comme moi) ce qui a dû lui inspirer des pages à vous dresser les cheveux sur la tête.

Un bon roman sociétal qui  amuse, même s’il est un peu moins drôle que certains de ses romans et qui va vous tenir en haleine surtout à la fin. Quelle imagination et quel pouvoir pour capter les maux de l’époque.

NUMÉRO 11, Gallimard 2016,  ISBN 978-2-07-01-7839-1

Une réflexion sur “Numéro 11 de Jonathan Coe

  1. Commentaire genial comme d’habitude ………..J’adore l’humour anglais et les livres qui traitent les thèmes sociétaux . Merci de m’avoir fait connaître cet auteur .Je vais déjà tenter  » La pluie avant quelle tombe « .gab

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