Le bleu de la nuit de Joan Didion

Joan Didion est une romancière, journaliste, essayiste et scénariste nord-américaine (Sacramento 1932-New York 2021). Elle s’inscrit dans le mouvement du nouveau journalisme du début des années 1970 qui fait converger les techniques du roman réaliste et celles de l’enquête journalistique.

Elle a commencé sa carrière dans la revue américaine Vogue et à 80 ans, elle a été choisie comme égérie de la maison Céline par la créatrice anglaise Phoebe Philo car son amour pour les pulls noirs, ses grands verres fumés qui tiennent à distance et son manque de maquillage, font que l’écrivaine incarnait sans le savoir, le style Céline.

C’est son livre L’Année de la pensée magique qui l’a fait connaitre en France, un essai qui parle du décès de son mari en décembre 2005 (l’écrivain John Gregory Dunne), un livre primé avec le National Book Award 2005.

Le Bleu de la Nuit (Blue Nights 2011) est un autre récit, cette fois dédié à sa fille unique, décédée en 2005, la même année que son mari; un ouvrage de mémoire qui narre le décès à 39 ans de Quintana Roos Dunne, survenu la même année que celui du père! Comment pouvoir imaginer la douleur éprouvée par Joan Didion? C’est tellement contre nature et les mots sont trop petits pour l’exprimer. D’un autre côté, l’écriture peut agir comme exutoire de cette douleur.

Ainsi Joan Didion va utiliser sa mémoire pour reconstruire sa vie auprès de cette fille qu’elle et son mari avaient tant désiré et qu’ils ont adopté à sa naissance en 1966. Joan Didion commence par le récit du mariage de sa fille, puis elle construit comme un patchwork autour de ses souvenirs les plus marquants.

C’est assez haché et désordonné, par moments répétitif, mais c’est le style choisi et il rend bien compte de l’état de détresse dans lequel Didion a dû se retrouver. En même temps l’écrivaine parle beaucoup d’elle même, notamment des dégâts de la vieillesse, le tout avec une grande franchise.

Je n’avais rien lu d’elle jusqu’à maintenant, de manière que je ne sais pas si ce style va se retrouver dans d’autres publications. Ici par moments il surgit de la poésie, un peu elliptique, assez éthérée. Par exemple dans le chapitre 1 quand elle parle de cette lumière bleue qui existerait à New York où Didion résidait, une lumière qui surgit au changement de saison (hiver-printemps) et qui vous baigne dans la rue, et ce serait la matière même de la lumière qui parait bleue, qui s’épaissit avec les heures, s’intensifie puis s’estompe se rapprochant du bleu des vitraux de Chartres par beau temps; c’est le moment de la journée que les français appellent l’heure bleue.

Bel hommage, très personnel, à l’occasion de la disparition de la fille de Joan Didion, et une belle manière de la garder pour toujours avec elle.

LE BLEU DE LA NUIT, Bernard Grasset Editeur 2013 (JD 2011), ISBN 978-2-246-78973-4

Laisser un commentaire