L’Évangile des Anguilles de Patrik Svensson

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Patrik Svensson est un journaliste et écrivain suédois (Kvidinge 1972). Son livre L’Evangile des Anguilles est un best seller international déjà traduit dans plus de 30 pays. Il a reçu en Suède le Prix August 2019, l’équivalent de notre Prix Goncourt.

C’est une lecture qui m’a ravi par le côté scientifique qui est passionnant, intéressant, même si le sujet, à priori, ne l’était pas pour moi (par un rejet physique de la bestiole),  intéressant aussi par le récit de l’histoire familiale de Patrik Svensson et par leur respect de la nature. Cerise sur le gâteau, la traduction du suédois au français est si bonne qu’on a l’impression que le livre a été écrit directement en français, avec un texte qui coule et sinue  tel une anguille.

J’ignorais tout sur l’anguille (Anguilla anguilla) et j’ai appris beaucoup. Il paraît incroyable qu’après tant et tant de recherches, depuis des siècles, on ne sache toujours pas tout sur cet animal; de plus, l’espèce serait sur le point de l’extinction  si l’on en croit les dernières publications scientifiques.

Le mystère se trouve dans la mer des Sargasses au nord-ouest de l’Atlantique où les anguilles vont pour se reproduire et aussi pour y mourir. Mais il est tout de même incroyable que jamais un spécimen adulte n’ait été aperçu dans ces latitudes : ni mort ni vivant. L’anguille est capable de se déplacer sur des milliers des kilomètres, sans manger et en utilisant la graisse accumulée pendant leur séjour en eau douce  en Europe (Méditerranée et Océan Atlantique).

Il a fallu des siècles pour apprendre que les organes reproducteurs ne se développaient que une fois arrivés en Mer des Sargasses  puis ils involuaient et disparaissaient à l’examen (à l’oeil nu ou au microscope). Après le frai, les larves leptocéphales de quelques millimètres vont migrer vers l’Europe et subir leur deuxième transformation en « civelle » ou alevin ayant une forme de feuille translucide, mince, sinueuse mesurant entre 5 et 6 centimètres. Les civelles qui auront réussi à gagner l’Europe vont remonter les fleuves et rivières et s’adapter à leur vie en eau douce. Ici commence la troisième et dernière métamorphose de l’anguille; elles s’appelleront anguilles jaunes : le corps musculeux et serpentin va se développer, les yeux sont petits et très noirs, la mâchoire est large et puissante, les ouïes sont petites et presque dissimulées, les nageoires souples et minces s’étirent sur le dos et sous le ventre, la peau se pigmente (brun, jaune, gris) et se revêt d’écailles si minuscules et fines qu’on ne les voit pas et on les perçoit à peine au toucher.

On va apprendre énormément de choses sur cet animal : où elle vit, comment elle vit, ce qu’elle mange, où on la trouve, les variations de taille, comment on la mange, comment on l’attrape, de quoi elle est capable (Svensson raconte qu’une fois elle va escalader un seau pour s’échapper et se cacher dans son garage…), leur étonnante durée de vie (jusqu’à 100 ans).

Beaucoup de personnages très connus se sont intéressés à cet animal, ils sont tous cités dans le livre;  celui qui m’a paru le plus incongru c’est Sigmund Freud qui serait resté un an à Trieste pour étudier l’anguille (sans résultat d’ailleurs !).

Un bijou de livre qui m’a procuré une lecture très agréable,  réussissant à à capter tout mon intérêt de lectrice. Un livre rare qui émeut, comme m’avait ému le livre de Peter Wohlleben La vie sécrète des arbres.

L’ÉVANGILE DES ANGUILLES, Seuil 2021 (PS 2019, ISBN 978-2-02-143487-3)

 

Une réflexion sur “L’Évangile des Anguilles de Patrik Svensson

  1. L’intérêt de Patrik Svensson pour l’anguille a pris naissance lorsqu’il accompagnait son père à la pêche .Les heures passées à monter les lignes avec leurs appâts, l’attente patiente bercée par les sons de la rivière ,le jour finissant ,la nuit qui prend la relève avec l’obscurité humide ,le vol des chauves-souris qui fendent l’air ,toutes ces impressions sont gravées dans les souvenirs d’enfance de l’auteur et ont crée une relation père-fils liée à l’anguille.
    « Nous avions besoin de l’anguille mon père et moi. Ensemble, tous les deux nous n’aurions pas été les mêmes sans elle ».
    L’auteur nous éclaire d’informations détaillées sur l’anguille , depuis sa naissance dans la Mer des Sargasses ,sa migration dans l’Océan pour rejoindre les cours d’eau terrestres, sa survie immobile en attendant le mystérieux signal qui déclenchera son retour sur son lieu de naissance pour se reproduire et achever sa vie.
    Parallèlement l’auteur relate la vie de son père dont la mort coïncide, dans le livre, avec le retour des anguilles qui est inexorable .En effet nous apprenons qu’au fur et à mesure du voyage l’appareil digestif de l’anguille va se résorber, tandis que la fonction génitale va se développer.
    J’ai trouvé dans ce livre une métaphore tragique entre la vie des hommes, illustrée par le père de l’auteur, et celle des anguilles par leurs mystères ,leurs migrations au cours desquelles elles doivent affronter toutes sortes de difficultés et de dangers pour accomplir leurs destins.
    Merci à Pasiondelalectura de m’avoir fait connaître ce livre singulier, agréable à lire et qui allie de façon magistrale Sciences Naturelles et métaphysique.

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